• Texte : Charles de Gaulle et la construction européenne

    « Déjà, pendant la guerre mondiale – je me permets de le rappeler – je proclamai que cette évolution était un des buts essentiels de la France. Dans cet ordre d’idées, on a déjà fait quelque chose de positif qui s’appelle la Communauté économique européenne […] Il existe ainsi une organisation économique telle que, peu à peu, les barrières douanières entre les Six s’effacent. […] Aux yeux de la France cette construction économique ne suffit pas. L’Europe occidentale – qu’il s’agisse de son action vis-à-vis des autres peuples, ou de sa propre défense, ou de sa contribution au développement des régions qui en ont besoin, ou de son devoir de détente et d’équilibre internationaux – l’Europe Occidentale doit se constituer politiquement. […]

    Qu’est-ce que la France propose à ses cinq partenaires ?

    […] Organisons notre coopération. Réunissons périodiquement nos Chefs d’Etat ou de Gouvernement pour qu’ils examinent en commun les problèmes qui sont les nôtres et pour qu’ils prennent à leur égard des décisions qui seront celles de l’Europe. Formons une commission politique, une commission de défense et une commission culturelle, de même que nous avons déjà une commission économique à Bruxelles qui étudie les questions communes et qui prépare les décisions des six Gouvernements. Naturellement, la commission politique et les autres procéderont, à cet égard, dans des conditions propres aux domaines particuliers qui seront les leurs. En outre, les ministres compétents à ces divers points de vue se réuniront chaque fois qu’il le faudra pour appliquer de concert les décisions qui auront été prises par le Conseil. Enfin, nous avons une Assemblée parlementaire européenne qui siège à Strasbourg et qui est composée de délégations de nos six Parlements nationaux. Mettons cette Assemblée à même de discuter des questions politiques communes comme elle discute déjà les questions économiques. Après expérience, nous verrons dans trois ans comment nous pourrons faire pour resserrer nos liens. Mais, tout au moins, nous aurons commencé à prendre l’habitude de vivre et d’agir ensemble.

    [...] Mais il est vrai que la patrie est un élément humain, sentimental, alors que c’est sur des éléments d’action, d’autorité, de responsabilité, qu’on peut construire l’Europe. Quels éléments? Eh bien, les États ! Car il n’y a que les États qui soient à cet égard valables, légitimes et capables de réaliser. […] Ce qui se passe pour la Communauté économique le prouve tous les jours, car ce sont les États, et les États seulement, qui ont créé cette Communauté économique, qui l’ont pourvue de crédits, qui l’ont dotée de fonctionnaires. Et ce sont les États qui lui donnent une réalité et une efficacité, d’autant plus qu’on ne peut prendre aucune mesure économique importante sans commettre un acte politique. »

    Conférence de presse du 15 mai 1962, à Paris.

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