• Texte publié : http://blog.ac-rouen.fr/lyc-bloch-notes/2016/04/02/4050/

     

    Bien comprendre les mécanismes et les enjeux de la communication participe à la bonne préparation d’un oral de concours. Le terme de communication est un terme complexe.

     

    Deux questions se posent :

     

                            -pourquoi communiquons-nous ?

     

                            -surtout : que communiquons-nous ?

     

     

    • La communication est liée à la liberté d’expression.

     

     Le développement de la communication se développe en lien avec les libertés[1]. La liberté d’expression est un droit fondamental reconnu par la D.D.H.C. (a. 11) et la D.U.D.H. Elle participe à la liberté d’action. En effet, communiquer, c’est agir[2].

     

     

    • La communication cherche un produire un effet.

     

    -Jacques Chirac « Mes chers compatriotes » 31/12/2002 : http://www.ina.fr/video/I12019269

     

    La communication s’appuie sur une pragmatique[3]. Elle s’adresse toujours à un interlocuteur. Elle est un acte qui vise à produire ou à modifier quelque chose. Communiquer c’est vouloir produire un effet.

     

    -un ordre vise à causer un acte : « mange ta soupe ! »,

     

    -un énoncé vise à modifier une représentation : « Machin a l’air sympa mais en réalité c’est un abruti » ou à produire une émotion : « Que c’est beau ! ».

     

    La communication est d’abord conçue comme un transfert d’information depuis une source qui la détient jusqu’à un cible qui la reçoit. Le transfert porte sur des pensées, des émotions… Ces informations sont codées et doivent être décodées sur le plan cognitif mais aussi émotionnel. La forme de l’énoncé a donc son importance :

     

                                        « veux-tu manger ta soupe, s’il te plait »,

     

                                        -« j’exige que tu manges ta soupe ! »

     

    Exemple Nicolas Sarkozy « Casse-toi pauvre con » : http://www.ina.fr/video/I09216918

     

    L’énoncé a une force plus ou moins persuasive appelée « force illocutoire ». La forme de l’énoncé indique la relation entre les deux personnes, l’humeur de l’énonciateur… Le cadre participe à la force illocutoire de l’énoncé : solennel, informel, mis en scène, spontané…

     

     

    • La communication est un échange.

     

    On a longtemps défini la communication comme un transfert d’information. Depuis 1945, on la définit comme un échange et non plus un transfert. On communique quelque chose mais on communique toujours à quelqu’un. Cette nouvelle approche est due aux travaux en informatique et en cybernétique. Une école joue un rôle essentiel dans cette redéfinition de la communication : l’école de Palo Alto[4]. Parmi les chercheurs se distingue Gregory Bateson[5]. Celui-ci remarque deux choses :

     

    -que l’information reçue produit un effet qui crée une régulation (principe d’homéostasie),

     

    -et que cet effet rétroagit sur sa cause. Elle crée donc un feed-back.

     

    La communication s’appuie sur des règles. Les interlocuteurs organisent un discours cohérent qui facilite la compréhension de l’autre. « Le chien et le chat jouent dans le jardin » est une phrase parfaitement compréhensible car simple et grammaticalement parfaitement construite. La cohérence est thématique et référentielle. Le lieu, le temps et les acteurs mis en scène par le discours sont cohérents et compréhensibles. « Le chat et le chien jouent dans le jardin. Puis ils vont manger leurs croquettes » sont deux phrases qui s’enchainent sans rupture de logique car le pronom personnel « ils » remplacent logiquement « Le chat et le chien » et l’enchainement des deux actions est logique et plausible. Ce n’est pas comme s’il est dit : « Tu vois… dans le jardin… ils sont… leurs croquettes… C’est clair, non ? ». Les interlocuteurs s’accordent sur un savoir commun. Ils accordent le même sens aux mots. Chaque interlocuteur tient pour vrai l’énoncé de l’autre. En réalité, chacun a sa manière propre d’interpréter l’information. Et chacun, pour ne pas se tromper, doit tenir compte de la signification du mot et du mouvement dans la culture de l’autre. La présomption d’un savoir commun résulte davantage d’une nécessité stratégique que d’une réalité. Comment savoir si ce que l’on appelle un « chat » corresponde au même animal que ce que l’autre appelle un « chat » ? Aussi les interlocuteurs vérifient-ils régulièrement d’être bien compris :

     

    « Vous voyez ce que je veux dire ? »

     

    Les interlocuteurs co-construisent un discours. Chaque individu en interaction est à la fois communiquant et communicatif, tour à tour sujet et objet.

     

    Mais il est très facile de sur-interpréter ou de se tromper sur le discours de l’autre :

     

    -« J’ai besoin d’un tube de colle. Mon voisin en a un dans sa trousse. Mais je trouve qu’aujourd’hui, il me regarde bizarrement. Peut-être qu’il ne m’aime pas ? Moi, si quelqu’un voulait m’emprunter son tube de colle, je le lui prêterais volontiers. Lui, il n’a pas l’air de vouloir. Qu’il le garde son tube de colle cet abruti ! »

     

    L’interprétation des énoncés et des gestes dépendent de ce que chacun ressent, pense. Elle dépend notamment de la façon dont chacun se perçoit comme individu singulier et comme individu dans l’échange.

     

     

    • La communication vérifie 5 axiomes.

     

    La communication s’appuie sur cinq axiomes :

     

                -il est impossible de ne pas communiquer qu’on le veuille ou non :

     

                -toute communication suppose un engagement,

     

                -toute communication implique une ponctuation d’échanges

     

                -la communication est soit digitale et/ou analogique.

     

                -la communication est symétrique ou complémentaire.

     

                L’étude de la communication montre qu’il n’est pas possible de communiquer. Une communication s’établit dès que deux personnes prennent conscience de la présence l’une de l’autre. Elles n’ont pas besoin de parler. La présence consciente de quelqu’un d’autre entraine la volonté de préserver l’image de soi et une attention accrue à ses propres actes et paroles. Le désir de se soustraire totalement à la communication est irréalisable. L’attention se focalise sur le regard réel ou supposé de l’autre.

     

    Ex : être regardé dans le bus peut être ressenti comme un hommage ou une menace…

     

    Ex : ne pas être regardé sera interprété comme un signe de désintérêt ou de tact…

     

    L’information passe donc par :

     

    -la mise en scène de soi : la coiffure (longueur et forme), le choix du vêtement (tissus, coupe, couleur…),

     

    -les mouvements physiologiques : la respiration ventrale ou thoracique, les tensions musculaires, les crispations de la mâchoire…,

     

    -les mots : le choix du langage soutenu ou familier, la syntaxe…,

     

    -les gestes spontanés ou sociaux,

     

    -les micro expressions du visage[6] : selon Paul Ekman, qui reprend les travaux de Charles Darwin, il existerait six micro expressions universelles qui participeraient, hors de toute complète maîtrise, à la communication[7] :

     

    https://qph.is.quoracdn.net/main-qimg-4b25782c40221a220f7179f0d239ca36?convert_to_webp=true.

     

                La communication implique toujours une relation. Il est possible de refuser de communiquer au niveau établi par le partenaire mais faire comme s’il n’existait revient à communiquer son désir de ne pas communiquer. Toute information agit comme un stimulus sur son récepteur. Le message comporte deux niveaux : celui du contenu et celui du type de relation.

     

    La communication est marquée par des ponctuations de séquence. Chacun vérifie qu’il est compris et quelle est sa position dans l’échange. Une discordance entraine un désaccord et/ou un conflit. L’échange tourne court ou continue en dispute. La personne qui réagit est persuadée qu’elle ne fait que réagir à une cause alors qu’elle est co-actrice.

     

    La communication digitale et la communication analogique sont complémentaires. Mais il peut arriver que la communication soit fondée sur un seul mode :

     

    Exemple de communication digitale : le SMS.

     

    Exemple de communication analogique : le geste.

     

    Extrait Les lumières de la ville de Charlie Chaplin (1931) : https://www.youtube.com/watch?v=1bo866V7iOA

     

    Exemple but Alain Giresse-Séville 1982 : http://fr.fifa.com/worldcup/videos/y=2010/m=5/video=meilleures-celebrations-alain-giresse-fra-1220603.html

     

    Moins de 10% de la communication humaine passerait par l’usage des mots. La communication du bébé (http://www.canal-u.tv/video/cerimes/comment_communiquent_les_bebes.9091) se passe de mots… La communication analogique est plus riche que la communication digitale.

     

    Exemple du SMS : pour éviter malentendus et confusions, invention de l’émoticône.

     

    La communication est soit symétrique soit complémentaire. La communication symétrique peut créer une rivalité.

     

    Exemple : « Voici mon cadeau » ; « En échange, voici le mien mais plus gros que le tien »

     

    La communication complémentaire peut entrainer un sentiment de toute puissance pour l’un et de déni de soi pour l’autre.

     

                            Exemple : L’enseignant/l’élève.

     

                La communication est donc un système. La modification d’un élément entraine la modification de l’ensemble du système. Il existe donc un principe totalité. Mais les éléments ne sont pas liés entre eux de manière causale et linéaire mais selon des principes de rétroaction et de circularité. La rétroaction peut être :

     

                            -La rétroaction peut être négative : elle diminue le phénomène.

     

    Exemple : vos préparateurs font pression et vous vous soumettez à leurs exigences.

     

    -La rétroaction peut être positive : elle accentue le phénomène.

     

    Exemple : plus vos préparateurs font pression sur vous, moins vous pensez à votre dossier de presse.

     

     

    • La communication peut être paradoxale.

     

    Certaines formulations influencent plus ou moins une réponse :

     

    « Comment allez-vous ? » : la question est ouverte permet de répondre « bien » ou « bof »

     

    « Toujours en forme ? » : la question oriente et incite à répondre « toujours ». Pour deux raisons : elle offre une réponse facile à saisir, elle laisse supposer qu’une réponse négative entrainerait une dévalorisation de son image.

     

    La communication peut devenir paradoxale. Il existe trois formes de communication paradoxale.

     

    La première est fondée sur l’injonction paradoxale :

     

                            « Soyez spontanés ! »

     

                            -« Ne tenez pas compte de ce signal ! »

     

                La deuxième est fondée sur la double contrainte c’est-à-dire sur l’usage de deux ordres contradictoires :

     

                                       -« Prenez votre pause mais n’oubliez pas de réfléchir au problème ».

     

                                       -« Faites ce que vous voulez mais n’allez pas dans la rue ».

     

    Cette théorie implique à la fois d’obéir et de transgresser[8]. Ce qui est impossible.

     

     

     La communication est politique.

     

     La communication politique n’est pas aussi ancienne que la politique[9]. Elle se développe au XIXe siècle avec l’essor et de la presse et surtout au XXe siècle avec les nouveaux médias[10]. Elle se définit comme l’espace où s’échangent les discours contradictoires de trois acteurs que sont les politiques, les journalistes et de la ou des opinions publiques.

     

    Dans les démocraties, la communication permet de diffuser des idées, de causer des débats contradictoires, de se faire connaitre puis élire… Les politiques développent le langage non verbal (https://www.youtube.com/watch?v=VNSBgxF2lKM) et restreignent parfois leurs discours des formules simples. Mais l’opinion publique joue un rôle essentiel : expression par les sondages, les réseaux sociaux… Pour exister, la communication politique doit se faire devant un public.

     

    Exemple : le débat télévisé de l’entre deux tours de l’élection présidentielle française qui a laissé longtemps pensé que l’élection se gagnait à la télévision[11].

     

    Débat télévisé VGE-François Mitterrand de 1974 : http://www.ina.fr/video/I07115728

     

    Débat télévisé François Mitterrand-Jacques Chirac de 1988 : https://www.youtube.com/watch?v=M9RyaiuTMVs

     

    Aussi l’indifférence et/ou l’intérêt manifestés par la ou les opinions publiques sont-ils parties prenantes de la communication politique. Ses réactions quelles qu’elles soient permettent à la politique de ne pas rester figée. Des problèmes anciens sont abandonnés. Des problèmes nouveaux sont mis en avant. Les médias jouent leur rôle en diffusant les théories et les opinions politiques et en maintenant le droit d’accès à l’information. Lorsqu’elle fonctionne bien, la communication politique est le signe d’un bon fonctionnement politique et démocratique.

     

    En revanche, lorsqu’elle fonctionne mal, la communication politique révèle le dysfonctionnement politique et démocratique. Dans les États totalitaires, la communication participe à l’embrigadement de la société et à la mise en place du culte du chef et de l’État[12]. La communication devient propagande.

     

    Exemple discours de Hitler au congrès de Nuremberg de 1935 : https://www.youtube.com/watch?v=cdRyOusOmpY

     

    L’effet est d’abord recherché et le message diffusé ne sert qu’à produire l’effet. En conséquence peut importe la véracité du message ou l’honnêteté du communicant. L’effet prime sur le message. L’effet recherché est alors la soumission jusqu’à l’obéissance aveugle. Toute personne est plus ou moins influençable et manipulable. Chacun peut obéir aveuglément tout en étant persuadé d’agir librement et spontanément[13].

     

    La communication ne cesse d’adapter : aux nouvelles technologies, aux destinataires… Aujourd’hui, le risque porte sur la disjonction de la communication en deux logiques : celle de l’information et celle de la communication. Le danger serait que la communication se substitue totalement au politique.

     

                            -VGE : http://www.ina.fr/video/I08358793

     

     

     

    [1] D. WOLTON, Indiscipliné. La communication, les hommes et la politique, Odile Jacob, Paris, 2012.

     

    [2] J. HABERMAS, Théorie de l’agir communicationnel, Fayard, Paris, 1987.

     

    [3] F. ARMENGAUD, La pragmatique, P.U.F., Que sais-je ?, Paris, 1996.

     

    [4] D. PICARD, E. MARC, L’école de Palo Alto, P.U.F., Que sais-je ?, Paris, 2013.

     

    [5] G. BATESON, Vers une écologie de l’esprit, Seuil, Paris, trad. fr. 1978 ; La Nature et la pensée, Seuil, Paris, trad. fr. 1984.

     

    [6] A. ANCELIN SCHÜTZENBERGER, La langue secrète du corps, Payot, Paris, 2015.

     

    [7] P. EKMAN, Emotions Revealed : Recognizing Faces and Feelings to Improve Communication and Emotional Life, Times Books, 2003.

    Présentation vidéo des travaux de P. Ekman : https://www.youtube.com/user/thepaulekmangroup

     

    [8] J.-J. WITTEZAELE, La double contrainte, De Boeck Supérieur « Carrefour des psychothérapies », Bruxelles, 2008.

     

    [9] D. WOLTON, « La communication politique : construction d’un modèle », http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/15353/HERMES_1989_4_27.pdf

     

    [10] Cf cours de Terminale : http://blog.ac-rouen.fr/lyc-bloch-notes/2014/03/15/medias-et-opinion-publique-en-france-de-laffaire-dreyfus-a-nos-jours/

     

    [11] A. CHAUVEAU, « L’homme politique et la télévision. L’influence des conseillers en communication », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 80, 2003/4, p. 89-100/www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2003-4-page-89.htm.

     

    [12] K. POSTOUTENKO dir., Totalitarian Communication. Hierarchies, Codes and Messages, Transcript, Bielefeld, 2010.

     

    [13] F. GIRANDOLA, Psychologie de la persuasion et de l’engagement, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2003 ; R. V. JOULE, J.-L. BEAUVOIS, La soumission librement consentie, Paris, P.U.F., 1998.

     

    Jean-Marc Goglin (Ph D)

    Partager via Gmail




    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique