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    SAINT BERNARD

     

    Bernard vient de ber, puits, fontaine, et de nard, plante, d'après la Glose sur le Cantique des Cantiques. Humble, d'une nature échauffante et odoriférante. En effet saint Bernard fut échauffé d'un fervent amour ; il fut humble dans ses habitudes et odoriférant par la suavité de sa réputation. Sa vie fut écrite par Guillaume, abbé de Saint-Thierry, compagnon du saint, et par Hernold, abbé de Bonneval.

     

    [L'oblation]

     

    Saint Bernard naquit au château de Fontaine, en Bourgogne, de parents aussi nobles que religieux. Son père Técelin était un chevalier plein de valeur et non moins zélé pour Dieu ; sa mère s'appelait Aaleth. Elle eut sept enfants, six garçons et une fille; les sept garçons devaient tous être moines et la fille religieuse. Aussitôt qu'elle en avait mis un au monde, elle l’'offrait à Dieu de ses propres mains. Elle refusa toujours de faire nourrir ses enfants du lait d'une étrangère, comme si avec le lait maternel, elle dût les remplir de tout ce qui pouvait se trouver de bon dans elle. Quand ils avançaient en âge, tout. le temps qu'elle les eut sous la main, elle les élevait pour le désert plutôt que pour la cour, leur donnant à manger des nourritures communes et des plus grossières, comme s'ils devaient partir d'un instant à l’'autre pour la solitude.

     

    [l'annonce d'un enfant à naitre exceptionnel]

     

    Etant enceinte de Bernard, son troisième fils, elle eut un songe qui était un présage de l’avenir. Elle vit dans son sein un petit chien blanc, tout roux sur le dos et qui aboyait. Elle déclara son rêve à un homme de Dieu. Celui-ci lui répondit d'une voix prophétique: « Vous serez la mère d'un excellent petit chien, qui doit être le gardien de la maison de Dieu ; il jettera de grands aboiements contre les ennemis de la foi ; car ce sera un prédicateur distingué, qui guérira beaucoup de monde par la vertu de sa langue. » Or, comme Bernard était encore tout petit, et qu'il souffrait d'un grand mal de tête, il repoussa et chassa, en criant avec une extrême indignation, une femme qui venait pour soulager sa douleur par des charmes ; mais la miséricorde de Dieu ne manqua pas. de récompenser le zèle du petit enfant ; en effet il se leva aussitôt et se trouva guéri. Dans la très sainte nuit de la naissance du Seigneur, comme le jeune Bernard attendait dans l’église l’office des Matines, il désira savoir à quelle heure de la nuit J.-C. était né. Alors le petit enfant Jésus lui apparut comme s'il venait de naître du sein de sa mère. Ce qui lui fit penser, tant qu'il vécut, que c'était l’heure de la naissance du Seigneur.

     

    [le don d'intelligence]

     

    Dès ce moment il lui fut donné, pour ce mystère, une intelligence plus profonde et une éloquence plus riche. Aussi dans la suite, il mit au jour, en l'’honneur de la mère et du Fils un opuscule remarquable parmi tous ses autres traités, dans lequel il expliqua l’évangile Missus est Angelus Gabriel.

     

    [la tentation par le démon]

     

    L'antique ennemi voyant des dispositions si saintes dans cet enfant fut jaloux de la résolution qu'il avait prise de garder la chasteté, et il tendit une infinité de pièges pour le faire succomber à la tentation. En effet une fois que Bernard avait arrêté quelque temps les yeux sur une femme, à l'’instant il rougit de lui-même et exerça sur son corps une vengeance très sévère ; car il se jeta dans un étang dont les eaux étaient glacées; où il resta jusqu'à être presque gelé, et par la grâce de Dieu, il éteignit en soi toutes les ardeurs de la concupiscence de la chair.

     

    [la maîtrise de la chair]

     

    Vers le même temps, une fille poussée par le démon se glissa nue dans le lit où il dormait. En la sentant, il lui céda en toute paix et silence le côté du lit où elle s'était placée, et se retournant de l’'autre côté, il s'endormit. Alors cette misérable resta quelques instants tranquille et attendit ; enfin elle se mit à le toucher et à le remuer ; enfin comme il restait immobile, cette fille tout impudente qu'elle fût, se prit à rougir et pleine d'une crainte étrange et d'admiration, elle se leva et s'enfuit.

     

    [la vocation monastique/l'opposition familiale]

     

    (...) dès lors il résolut d'entrer dans l’'ordre de Citeaux. Lorsque ses frères en furent instruits, ils voulurent le détourner de toutes les manières d'exécuter son dessein; mais le Seigneur lui accorda une si grande grâce que non seulement rien ne s'opposa à sa conversion mais il gagna au Seigneur pour entrer en religion tons ses frères et beaucoup d'autres encore.

     

    [le miracle]

     

    Gérard, son frère, militaire vaillant, regardait comme vaines les paroles de Bernard, et rejetait absolument ses conseils ; alors Bernard, animé d'une foi toute de feu, et transporté du zèle de la charité pour le salut de son frère, lui dit : « Je sais, mon frère, je sais qu'il n'y aura que le malheur qui puisse donner à tes oreilles de comprendre. Puis mettant le doigt sur son côté : « Le jour viendra dit-il, et il viendra bientôt, qu'une lance perçant ce côté fera arriver jusqu'à ton coeur l’a vis que tu rejettes. » Peu de jours après Gérard, qui avait reçu un coup de lance à l’'endroit où son frère avait posé le doigt, est fait prisonnier et jeté dans les fers. Bernard vint pour le voir, et comme on ne lui permettait pas de lui parler, il lui cria : « Je sais, mon frère Gérard, que dans peu nous (levons aller pour entrer au monastère. » Cette nuit-là même, les chaînes qui retenaient Gérard par les pieds tombèrent; la porte de la prison s'ouvrit et il s'enfuit plein de joie. Alors il fit connaître à son frère qu'il avait changé de résolution. et qu'il voulait se faire moine.

     

    [le Cistercien]  

    L'an de l’'Incarnation 1112, la quinzième année depuis l’'établissement de la maison des cisterciens, le serviteur de Dieu Bernard, âgé d'environ vingt-deux ans, entra dans l’'ordre de Citeaux avec plus de trente de ses compagnons. Or, comme il sortait avec ses frères de la maison paternelle, Guidon, l’'aîné, voyant Nivard, son tout petit frère, qui jouait sur la place avec des enfants, lui dit : « Allons, mon frère Nivard, c'est à toi seul qu'appartient toute la terre de notre héritage. » Et l’'enfant lui répondit non pas comme un enfant : « Vous aurez donc le ciel, et à moi vous me laissez seulement la terre ? Ce partage n'a pas été fait ex aequo. » Nivard resta donc quelque peu de temps avec son père; mais dans la suite, il alla rejoindre ses frères.

     

    [Le contemplatif]

     

    Le serviteur de Dieu Bernard étant entré dans cet ordre, s'adonna tellement à la contemplation spirituelle et fut tellement occupé du service de Dieu, qu'il ne se servait déjà plus d'aucun de ses sens corporels ; car il y avait un an qu'il était dans la cellule des novices, qu'il ignorait encore si la maison avait une voûte. Bien qu'il entrât souvent dans l'’église et qu'il en sortît, il pensait qu'il n'y avait qu'une fenêtre au chevet, où il s'en trouvait trois. L'abbé de Citeaux envoya des frères pour fonder la maison de Clairvaux, et ce fut Bernard qu'il leur proposa pour abbé. Il y vécut longtemps dans une pauvreté excessive, et souvent il n'avait que des feuilles de hêtre pour confectionner le potage. Le serviteur de Dieu veillait au delà de ce que peut la force d'un homme : et il avait coutume de dire que le temps qu'il regrettait le plus était celui qu'il passait à dormir; il trouvait que la comparaison qu'on fait entre le sommeil et la mort était assez juste, puisque ceux qui sont morts semblent. dormir aux yeux des hommes comme ceux qui dorment semblent morts aux yeux de Dieu. C'est pourquoi, s'il entendait un frère ronfler trop fort, ou bien s'il le voyait couché avec peu de bienséance, il le supportait avec peine, et prétendait qu'il dormait comme un homme charnel ou bien comme un séculier. Il n'était porté à manger par aucun plaisir de contenter son appétit; c'était la crainte de défaillir qui le faisait se mettre à table, comme à un lieu de supplice. Après le repas, il avait constamment la coutume de penser à la quantité de nourriture qu'il avait prise, et s'il s'apercevait avoir excédé seulement d'un peu sa ration ordinaire, il ne laissait pas passer cela impunément. II avait tellement dompté les attraits de la friandise qu'il avait perdu en grande partie le sens dit goût; car un jour qu'on lui avait versé de l’'huile par mégarde, il la but sans s'en apercevoir : et le fait serait resté ignoré, si quelqu'un n'eût remarqué avec étonnement qu'il avait les lèvres couvertes d'huile. On sait que pendant plusieurs jours, il fit usage de sang caillé qui lui avait été servi pour du beurre. Il ne trouvait de saveur qu'à l’'eau, parce que, en la prenant, disait-il, elle lui rafraîchissait la bouche et la gorge.

     

    [La sagesse acquise des Ecritures]

     

    Il disait ingénument que tout ce qu'il avait appris dans l’'Écriture sainte, il l’'avait acquis par la méditation et la prière dans les forêts et dans les champs; et il répétait souvent à ses amis qu'il n'avait jamais eu d'autres maîtres que les chênes et les hêtres. Enfin il avoua que c'était souvent dans la méditation et la prière que toute la Sainte Écriture s'était présentée à lui sous son véritable sens, et toute sa clarté. A une époque, rapporte-t-il dans le 82° sermon sur le Cantique des Cantiques, pendant qu'il parlait, il voulait retenir quelque chose que le Saint-Esprit lui suggérait, et se le réserver pour une autre fois où il serait obligé de traiter le même sujet, il lui sembla entendre une voix qui lui disait : « Tant que vous retiendrez cela, vous ne recevrez pas autre chose. » Il est certain qu'il ne le faisait pas par un sentiment d'infidélité, quoiqu'il témoignât manquer d'un peu de foi.

     

    [la patience]

     

    Dans ses vêtements la pauvreté lui plut toujours, mais jamais la malpropreté, qu'il disait être la marque d'un esprit négligent, ou plein d'un sot orgueil, ou bien convoitant la gloire humaine. Souvent il citait ce proverbe, que toujours il avait dans le cœur : « Qui veut être remarqué, agit autrement qu'un autre. » C'est pour cela qu'il porta un cilice plusieurs années, tant que la chose put rester secrète ; mais quand il s'aperçut qu'elle était découverte, il s'en dépouilla et fit comme la communauté. S'il riait, c'était toujours de telle sorte qu'il lui fallait faire des efforts pour rire plutôt que pour réprimer des ris : il fallait qu'il les excitât plutôt qu’il ne les retint. Comme il avait coutume de dire qu'il y avait trois genres de patience, savoir : 1° patience pour les paroles injurieuses, 2° patience pour le dommage dans les biens, et 3° patience dans les maladies du corps, il prouva qu'il les possédait tous (...). 

    Un abbé lui envoya 600 marcs d'argent pour construire un monastère ; or, toute la somme fut ravie en route par des voleurs. A cette nouvelle, Bernard se contenta de dire : « Béni soit Dieu, qui nous a délivrés de ce fardeau ; il faut toutefois avoir pitié de ceux qui l’ont enlevé; car, d'une part, c'était la cupidité humaine qui les poussa ; et d'ailleurs cette grosse somme d'argent avait été l’occasion d'une grande tentation.

     

    [Le pardon]

     

    Un chanoine régulier vint le prier instamment de le recevoir au nombre des moines. Comme Bernard n'acquiesçait pas à sa demande et lui conseillait de retourner à son église : « Pourquoi donc, lui dit le chanoine, recommandez-vous si fort la perfection dans vos écrits, si vous ne l’offrez pas à ceux qui la désirent ? Que ne puis-je les tenir dans mes mains, vos livres, afin de les mettre en morceaux! » Bernard reprit : « Vous n'avez lu dans aucun d'eux que vous ne pouviez pas être parfait dans votre cloître : c'est la correction des moeurs, ce n'est pas le changement de lieux que j'ai recommandé dans tous mes livres. » Alors cet insensé se jeta sur lui et le frappa si grièvement à la joue, que la rougeur succéda au coup, et l’'enfle à la rougeur. Déjà ceux qui se trouvaient là se levaient contre le sacrilège, mais le serviteur de Dieu les prévint en criant et en les conjurant au nom de J.-C. de ne point le toucher et de ne lui faire aucun mal. Il avait coutume de dire aux novices qui voulaient entrer en religion : « Si vous voulez avoir part à. tout ce qui se fait dans l'’intérieur de cette maison, laissez à la porte le corps que vous avez amené du siècle : l'’esprit seul entre ici; on n'y a pas besoin de la chair. » Son père, qui était resté seul à la maison, vint au monastère et y mourut après un court espace de temps, dans une belle vieillesse.

    Sa soeur, qui s'était mariée, vivait exposée au danger au sein des richesses et des délices du monde. Or, elle vint une fois au monastère faire une visite à ses frères. Et comme elle était arrivée avec une suite et un appareil magnifique, Bernard en eut horreur comme du filet dont se sert le diable pour prendre les âmes; il refusa absolument de sortir pour la voir. Comme aucun de ses frères ne venait à sa rencontre, mais que l’un d'eux, qui pour lors était portier, l’appelait fumier habillé, elle fondit toute en larmes. « Bien que je sois une pécheresse, dit-elle, c'est pour les gens de cette sorte que J.-C. est mort : c'est parce que je sens être une pécheresse que je recherche les avis et l'’entretien des personnes de bien ; et si mon frère, méprise mon corps, que le serviteur de Dieu ne méprise pas mon âme. Qu'il vienne, qu'il ordonne, et tout ce qu'il ordonnera, je l’'accomplirai. » Ce ne fut qu'après cette promesse que saint Bernard vint la trouver avec ses frères ; et parce qu'il ne pouvait pas la séparer de son mari, il lui interdit d'abord toute la vaine gloire du monde, et il lui proposa, pour modèle à imiter, la conduite de sa mère; après quoi il la congédia. A son retour, il s'opéra en elle un changement si soudain, qu'au milieu de la gloire du monde, elle menait une vie érémitique et qu'elle se rendait absolument étrangère à tout ce qui tenait du siècle. Enfin à force de prières, elle gagna son mari, et après avoir reçu l’autorisation de son évêque, elle entra dans un monastère. L'homme de Dieu tomba malade, et on croyait qu'il allait rendre le dernier soupir, quand il fut ravi en esprit et il lui parut qu'il était présenté au tribunal de Dieu: Satan y fut aussi de son côté, et le pressait d'accusations injustes. Quand il eut tout articulé et que ce fut au tout de l'’homme de Dieu à parler, celui-ci dit sans se troubler et sans s'effrayer : « Je l’avoue, je suis un indigne, et je saurais, par mes propres mérites, obtenir le royaume des cieux. Au reste mon Seigneur qui le possède à double titre, savoir par héritage de son père, et par le mérite de sa passion, se contente de l’un et me donne l’autre, ce don, je ;le revendique pour moi, et je ne saurais être confondu. » A cette parole l'’ennemi fut confus, l’'assemblée dissoute, et l’'homme de Dieu revint à lui. Il atterra son corps par une abstinence excessive, par le travail, par les jeûnes, à tel point qu'il était continuellement malade et languissant, la fièvre le dévorait, et c'était à peine s'il pouvait suivre les exercices du couvent. Une fois, il était très gravement malade; ses frères firent des prières pour lui, et il se sentit revenir à la santé. Alors il convoqua la communauté et dit : « Pourquoi retenez-vous un misérable homme ? vous êtes plus forts et vous l’avez emporté. Grâce, je vous en prie, grâce, laissez-moi m'’en aller. »

     

    [Le refus des fonctions séculières]

     

    Plusieurs villes élurent l'’homme de Dieu pour évêque : ce furent en particulier Gênes et Milan. A ceux qui le demandaient, il disait sans consentir, comme aussi sans refuser avec dureté, qu'il ne s'appartenait pas, mais qu'il était consacré au service des autres. Au reste, les frères, d'après le conseil de l’'homme de Dieu, s'étaient pourvus et munis de l’'autorité du souverain Pontife pour que personne ne pût leur ravir leur joie.

     

    [L'édificateur]

     

    A une époque ayant visité les frères Chartreux, Bernard les édifia beaucoup en tous points. Il n'y eut qu'une chose qui frappa le prieur de la Chartreuse, c'est que la selle qui portait le saint abbé n'était pas sans quelque élégance et n'annonçait pas la pauvreté. Le prieur en fit l’'observation à un des frères qui rapporta cela à l’'homme de Dieu. Celui-ci n'en fut pas moins étonné et s'informa de ce qu'était cette selle : car de Clairvaux, il était venu à là Chartreuse sans savoir comment elle pouvait être. Pendant toute une journée, il chemina auprès du lac de Lausanne sans le voir, ou bien il ne remarqua pas qu'il le voyait. Le soir, comme ses compagnons parlaient de ce lac, Bernard leur demanda où il se trouvait. En entendant cela, ils restèrent dans l'’admiration.

     

    [L'humilité]

     

    L'humilité de son coeur l’'emportait en lui sur la gloire de son nom, et le monde entier ne parvenait pas autant à l’'élever qu'il se rabaissait lui-même. Tous le regardaient comme un homme extraordinaire, et lui se considérait comme le dernier de tous : personne ne lui trouvait son égal et lui-même ne se préférait â personne. Enfin, d'après ses propres aveux, au milieu des plus grands honneurs, et quand il recevait des hommages universels, il se croyait être un personnage d'emprunt, ou bien il pensait rêver : mais où il rencontrait des frères plus simples ; il était joyeux de se trouver jouir d'une humilité qui lui était chère, et d'être rendu à lui-même. Or, toujours on le rencontrait ou priant, ou lisant, ou écrivant, ou méditant, ou bien édifiant les frères par sa parole. Une fois qu'il prêchait au peuple et que tous l'’écoutaient avec attention et dévotion, cette tentation se glissa dans son esprit : « Vraiment tu parles aujourd'hui admirablement ; les hommes t'écoutent volontiers et tu passes généralement pour un savant! » Mais l’'homme de Dieu, qui se sentait pressé par cette tentation, s'arrêta un instant, et se mit à penser, s'il devait continuer ou finir son discours. Et aussitôt, fortifié par le secours de Dieu, il répondit tout bas au tentateur : « Ce n'est pas par toi que j'ai commencé, ce n'est pas par toi que je cesserai. » Et, sans se troubler, il poursuivit sa prédication jusqu'à la fin. Un moine qui, dans le siècle, avait été ribaud et joueur, fut tenté par le malin esprit de rentrer dans le monde. Or, comme Bernard ne le pouvait retenir, il lui demanda de quoi il vivrait. Celui-ci lui répondit : « Je sais jouer aux dés et avec cela je pourrai vivre. »

    Bernard lui dit : « Si je te confie un capital, veux-tu revenir tous les ans et partager avec moi le bénéfice ?» Quand le moine entendit cette proposition, il fut tout joyeux, et promit qu'il y viendrait volontiers. Bernard commanda donc de lui donner vinât sols et cet homme s'en alla avec cet argent. Or, le saint homme agissait ainsi afin de pouvoir le faire revenir une seconde fois, comme cela eut lieu plus tard. Ce malheureux s'en alla donc, et perdit tout : puis il revint fort confus à la porte. Quand l'’homme de Dieu eut appris son arrivée, il alla plein de joie vers lui, et tendit son giron afin de partager le gain ensemble. Et l’'autre dit: « Rien, mon père, je n'ai rien gagné; mais j'ai encore perdu le capital: si vous voulez, recevez-moi pour notre capital. » Bernard lui répondit avec bonté : « S'il en est ainsi, dit-il, mieux vaut encore recevoir cela que tout perdre ». Une fois saint Bernard voyageait monté sur une jument; il rencontra un paysan, avec lequel il vint à parler et à gémir de la légèreté du cœur dans la prière. Quand cet homme Peut entendu, il le méprisa aussitôt, et lui dit que quant à lui, dans, ses prières, il avait, le cœur ferme et solide. Mais saint Bernard voulant le convaincre et réprimer sa témérité lui dit : « Eloignez-vous un peu de nous, et commencez l’'oraison dominicale avec toute l’attention dont- vous pouvez être capable. Si vous l’'achevez sans aucune distraction et sans vous tromper, je vous donne bien certainement la jument sur laquelle je suis assis. Mais vous allez me promettre consciencieusement aussi, que si vous avez en même temps une distraction, vous vous garderez bien de me le cacher. » Le paysan enchanté et qui se croyait déjà avoir gagné la jument, fut assez téméraire pour se retirer, et après s'être recueilli, il commença à réciter l'’oraison dominicale. Il avait à peine achevé la moitié du Pater, qu'une pensée le tourmente : c'est de savoir s'il aura la selle avec la jument. Alors s'étant aperçu de sa distraction, il revint vite trouver saint Bernard auquel il déclara ce qui l’'avait inquiété pendant sa prière, et dans la suite, il fut moins présomptueux de soi-même.

     

    [La domination des éléments naturels]

     

    Frère Robert, moine et parent de saint Bernard, trompé dès son enfance par les discours de certaines personnes, s'en était allé à Cluny. Or, le vénérable Père, après avoir gardé le silence à ce sujet pendant un certain temps, prit la résolution de. lui écrire pour le faire rentrer. Et comme il était en plein air, et qu'un autre moine écrivait en même temps sous la dictée du saint, tout à coup, et sans qu'on s'y attendît, la pluie tomba avec impétuosité. Or, celui qui écrivait voulait plier la feuille. « C'est œuvre de Dieu, lui dit Bernard, écrivez, et ne craignez rien. » Il écrivit donc la lettre au milieu de la pluie, sans en recevoir une goutte, car bien qu'il eût plu de tout côté, cependant la force de la charité suffit pour éloigner l'’incommodité de l’'orage. L'homme de Dieu avait bâti un monastère, qui était envahi par une multitude incroyable de mouches, en sorte que c'était une grande gêne pour tout le monde. Saint Bernard dit : « Je les excommunie. » Et le matin, on les trouva toutes mortes. —

     

    [Le chasseur de démon]

     

    (...) Il y avait, dans l’'Aquitaine, une misérable femme tourmentée par un démon impudent et incube. Pendant six ans, il abusa d'elle et la vexa par des débauches incroyables. Quand l’'homme de Dieu vint en ce pays, le démon défendit à la possédée, avec des menaces horribles, de s'approcher du saint, parce qu'il ne pourrait lui rien faire de bien, et qu’après son départ, celui qui était son amant serait pour elle un persécuteur acharné. Mais cette femme alla trouver avec assurance l’homme de Dieu, et lui raconta avec beaucoup de sanglots ce qu'elle souffrait. Saint Bernard lui dit : « Prenez mon bâton que voici, mettez-le dans votre lit, et s'il peut faire quelque chose, qu'il le fasse. » La femme le fit et se coucha; mais aussitôt l’autre vint et n'osa pas s'approcher du lit, ni entreprendre ce qu'il avait coutume de faire. Alors il la menace vivement qu'aussitôt après le départ du saint, il se vengera d'elle d'une manière atroce. Ceci fut rapporté à saint Bernard qui rassembla le peuple commanda que chacun tint une chandelle allumée à la main, et, avec toute l’'assemblée qui se trouvait là, il excommunia le démon ; ensuite il lui interdit tout accès, soit auprès de cette femme, soit auprès d'aucune autre. Ce fut ainsi qu'elle ut délivrée entièrement d'une semblable illusion.

     

    [Le réconciliateur]

     

    Dans la même province, le saint homme remplissait les fonctions de légat, pour réconcilier à l’'Église le duc d'Aquitaine, qui refusait absolument de le faire. Alors, l'’homme de Dieu s'approcha de l’autel pour célébrer les saints mystères, et le duc attendait à la porte de l’église, comme excommunié. Quand saint Bernard eut dit Pax Domini il mit le corps de N.-S. sur la patène et le prit avec lui, et alors, la figure embrasée et les yeux flamboyants, il sort de l’'église et adresse au duc ces paroles terribles : « Nous t'avons, prié, dit-il, et tu nous as méprisés : Voici le Fils de la Vierge qui vient à toi; c'est lui qui est le seigneur de l'’Église que, tu persécutes. C'est ici ton juge au nom duquel tout genou fléchit. C'est ici ton juge dans les mains duquel ton âme viendra un jour. Est-ce que tu le mépriseras aussi; lui, comme tu as méprisé ses serviteurs ? Résiste-lui, si tu l’oses. » Et aussitôt le duc fut glacé, et 'comme si tous ses membres eussent été disloqués, il se laissa tomber à l’instant aux pieds du saint, qui, le poussant du talon, lui ordonna de se lever et d'écouter la sentence de Dieu. Le duc se leva tout tremblant, et accomplit de suite ce que le saint homme lui commandait. — Le serviteur de Dieu étant venu en Allemagne pour apaiser une grande discorde, l’archevêque de Mayence envoya au-devant de lui un clerc vénérable. Celui-ci lui disait qu'il avait été envoyé au-devant de lui par son seigneur, et l’homme de Dieu répondit : « C'est un autre Seigneur qui vous a envoyé. » Celui-ci, étonné, lui assurait qu'il avait été envoyé par l’archevêque, son maître. De son côté, le serviteur de J.-C. disait : « Vous vous trompez, mon fils, vous vous trompez; c'est un plus grand maître qui vous a envoyé; c'est J.-C. » Le clerc, qui comprit : « Vous pensez, dit-il, que je veux me faire moine ? Dieu m’en garde ! Je n'y ai pas pensé; et cela n'entre pas dans mes goûts. » Cependant, dans le même voyage, il dit adieu au siècle et reçut l’habit des mains de l’homme de Dieu. — Le saint homme avait accueilli dans son ordre un militaire d'une famille très noble, lequel, étant resté un certain temps avec saint Bernard, fut aux prises avec une tentation très grave. Un des frères, qui le vit si triste, lui en demanda la causé. Il lui répondit : « Je sais, dit-il, je sais que désormais il n'y aura plus de joie pour moi. » Le frère rapporta cette parole au serviteur de Dieu, qui pria pour le militaire avec plus de ferveur. A l'’instant, ce frère, qui avait été si grièvement tenté et qui était si triste, parut aux frères aussi joyeux et aussi gai qu'il avait paru désolé auparavant. Le frère lui . rappela le mot triste qu'il avait prononcé, alors, il répondit : « Bien, que j'aie dit alors, je ne serai plus jamais gai, je dis maintenant, je ne serai plus jamais triste. »

     

    [Le saint]

     

    Saint Malachie, évêque d'Irlande, dont saint Bernard a écrit la vie pleine de vertus, étant trépassé heureusement à J.-C. dans son monastère, l’'homme de Dieu offrit pour lui l’'hostie salutaire ; il connut alors sa gloire par une révélation divine, et par inspiration * il changea la formule de la postcommunion en disant avec une voix toute joyeuse : Deus qui Beatum Malachiam sanctorum tuorum meritis coaequasti, tribue, quaesumus, ut qui pretiosae mortis ejus festa agimus, vitae quoque imitemus exempla. Per Dominum... Le chantre lui faisant signe qu'il se trompait : « Non, dit-il, je ne me trompe pas ; je sais ce que je dis. » Ensuite il alla baiser les précieux restes du saint. A l'’approche du carême, il reçut la visite d'un grand nombre d'étudiants qu'il pria de s'abstenir, au moins dans ces saints jours, de leurs vanités et de leurs débauches. Comme ils n'acquiesçaient pas à sa prière, il leur fit servir du vin en disant : « Buvez 1a boisson des âmes. » Quand ils eurent bu ils furent subitement changés ; ils avaient tout à l’'heure refusé de servir Dieu pendant un peu de temps, et ils lui consacrèrent toute leur vie. — Enfin, saint Bernard approchant heureusement de la mort, dit à ses frères « Je vous laisse trois points à observer, et dans tout le cours de ma vie je les ai pratiqués autant qu'il a été en moi : je n'ai voulu donner de scandale à personne et s'il y en a eu, je l’'ai caché comme je l’'ai pu. J'ai toujours cru moins à mon sentiment qu'à celui d'autrui. Quand j'ai été offensé je n'ai jamais cherché à me venger. Voici donc que je vous laisse la charité, l’humilité et la patience. » Enfin après avoir opéré un grand nombre de miracles, construit 160 monastères, composé beaucoup de livres et de traités, et avoir vécu environ 63 ans, il s'endormit dans les bras de ses frères, l’'an du Seigneur 1153. Après son décès, il manifesta sa gloire à beaucoup de personnes. Il apparut en effet à l’'abbé d'un monastère et l’'engagea à le suivre. Comme cet abbé le suivait, l’'homme de Dieu lui dit : « Voici que nous allons à la montagne du Liban. Pour vous, vous demeurerez ici et moi j'y monterai. » L'abbé lui demanda pourquoi il voulait monter? « C'est que je veux apprendre », dit-il. « Et que voulez-vous apprendre, mon Père, reprit l’'abbé étonné, vous dont nous ne connaissons pas aujourd'hui le pareil sur la terre en ce qui concerne la science? » Le saint lui répondit: « Il n'y a pas de science ici-bas, il n'y a aucune connaissance du vrai. C'est là-haut qu'est la plénitude de la science, c'est là-haut qu'est la véritable connaissance de la vérité. » Et en disant ces mots, il disparut. L'abbé nota le jour, et il trouva que c'était celui où saint Bernard était mort. Dieu opéra par son serviteur beaucoup d'autres miracles, qu'il est presque impossible de compter.

     

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  • Originellement : la sainteté est un attribut divin.

    Aucune société ne vit sans héros, réel ou mythique.

    Ces héros servent de modèle.

    L'Antiquité célèbre les martyres.

    Le Moyen Âge hérite des modèles antiques mais propose aussi d'autres modèles.

    Chaque baptisé (e) est appelé à devenir saint (e).

     

     

    I. Des hommes  vertueux et des femmes vertueuses.

      

    • Des hommes et des femmes qui pratiquent les vertus.

     

    -Le chrétien médiéval est rarement un lettré.

    Il pratique la morale enseignée par les clercs et applique les commandements bibliques.

     

    -Les théologiens seuls réfléchissent à une théorie des vertus.

    Ils puisent dans :

      -la Bible : évangiles et épîtres de Paul de Tarse.

      -les écrits des stoïciens : Cicéron et Sénèque.

      -l'Ethique d'Aristote à partir du XIIIe s.

    Thomas d'Aquin propose une éthique fondée sur l'articulation des vertus théologales et philosophiques.

      

    • Des hommes et des femmes qui prennent le Christ en exemple.

     

    XIIe s : Le chrétien découvre l'exemplarisme christique.

     

    • Des hommes et des femmes reconnus comme tels.

     

    -Le saint est reconnu comme un intercesseur de son vivant.

    Sa reconnaissance est populaire.

    Ex : Guinefort le saint lévrier de Villars-les-Dombes.

    Sa légende est rapportée par le dominicain Etienne de Bourbon vers 1250.

    Les croyants prêtent à Guinefort le pouvoir posthume de soigner les enfants.

     

    -L'Eglise institutionnelle se méfie de la sanctification populaire.

     

    -993 : La papauté reconnait son premier saint : l'évêque Ulrich d'Augsbourg. 

    XIIe s : La papauté impose son contrôle des cultes.

    1185 : La papauté ouvre son premier procès en canonisation : celui de Galgano Guidotti (+1181).

    =chevalier libertin, converti après une apparition de saint Michel et devenu ermite dans la campagne siennoise.

     

    • Des hommes et des femmes qui correspondent aux attentes de leur époque.

     

    -Les premiers modèles sont liés à l'exercice du pouvoir.

     

    -Les modèles les plus fréquents concernent les clercs :

      -les évêques,

      -les moines,

      -les religieux mendiants.

    Les modèles de sainteté sont d'abord séculiers puis réguliers.

     

    -Les modèles de sainteté laïque apparaissent tardivement : XIIe s.    

     

     

    II. Les modèles séculiers.  

     

    • Le modèle royal. 

     

    -Le modèle royal est une invention du MA.

    Les souverains reconnus comme saints sont Mérovingiens.

    Le modèle est marqué par la sacralité de la fonction qui synthétise :

      -des attributs chamaniques,

      -et la sacralité biblique conférée par l'onction.

    Mais les souverains qui sont reconnus saints ont tous quitté le pouvoir de manière volontaire ou violente :

    Le souverain est celui qui convertit et conforte l’Église.

     

    Ex : Le roi Dagobert (roi de 629 à 639) s’entoure de conseillers ecclésiastiques dont :

     -Éloi, futur évêque de Noyon,

     -et Ouen, futur évêque de Rouen.

    Il se montre généreux envers l’Église.

    Il fait notamment de nombreuses dotations foncières et de nombreuses exemptions fiscales à la basilique de Saint-Denis.

     

    Ex : La reine Bathilde,

    Naît vers 630.

    Épouse Clovis II de Neustrie en 648.

    Régente de 657 à 665.

    Elle :

      -fait de nombreuses donations aux monastères : Jouarre, Jumièges…,

      -interdit la vente des chrétiens comme esclaves…

     

    -Xe-XIe s : Le modèle évolue avec l'évolution du pouvoir et de l'organisation de la société.

    Le souverain devient :

      -le protecteur de l'Eglise,

      -le garant de la paix,

      -le protecteur des pauvres.

    Ex : Etienne (1000-1038) premier roi chrétien de Hongrie.

     

    -Ex : Louis IX (1226-1270).

     Il fait la guerre mais privilégie la diplomatie.

    Il impose ses lois et sa justice dans son royaume :

      -il interdit les guerres privées et les duels judiciaires,

      -autorise l'appel à la justice royal.

    Il persécute les Juifs pour les convertir de force.

    Il soutient l'inquisition qui lutte contre les hérésies.

    Il participe à 2 croisades : 1248 et 1270.

    Il fait construire la Sainte-Chapelle à Paris.

    Il est canonisé en 1297.  

     

    • Le modèle du saint évêque.

     

    -Le Moyen Âge met en valeur le modèle du saint évêque.

    Le roi mérovingien gouverne à l'ai des évêques.

    L'évêque occupe une fonction essentielle associant pouvoir et service.

     

    -Ex : Grégoire le Grand (590-604).

    Grégoire Ier — Wikipédia

    Registrum Gregorii. Xe s.

     

    Issu d’une famille aristocrate romaine.

    Attiré par la vie ascétique, il vend ses biens vers 575.

    Il fonde plusieurs monastères en Sicile et se retire comme moine à Rome.

    En 579 : le pape l’ordonne diacre et l’envoie comme nonce à Byzance jusqu’en 585.

    Il retourne ensuite à Rome où il est élu abbé de son monastère.

    En 590 : il est élu pape malgré lui à la demande du peuple romain.

    Son action est vaste :

                            -il veille à la bonne moralité des évêques dont il a la charge,

                            -il lutte contre la famine qui sévit Rome à cause de la présence de la peste,

                            -il organise des missions vers les peuples à évangéliser…

    Son action politique est marquée par l’indépendance vis-à-vis des princes :

      -Il entretient peu de relations avec les princes d’occident,

      -Il cherche à maintenir des contacts avec Byzance malgré l’isolement de Rome dans une Italie envahie par les barbares.

    Les rapports entre la papauté et Byzance sont tendus.

     

     

    III. Le modèle ascétique. 

     

    • Le modèle érémitique.

     

    -Le saint renonce au monde.

    Il reprend le modèle incarné par les Pères du désert.

     

    -Ex : Romuald de Ravenne (v950-1027).

    Image illustrative de l’article Romuald de Ravenne

    Fra Angelico. XVe s. Couvent San Marco de Florence.

     

    Membre de la haute aristocratie de Ravenne.

    Il assiste à 20 ans au meurtre d'un de ses parents.

    Il devint moine bénédictin au monastère de Saint-Apollinaire-in-Classe.

    Vers 975 : Déçu par la vie monastique, il choisit de mener une vie érémitique dans la lagune vénitienne.

    Fonde plusieurs ermitages.

    Il meurt dans la solitude à Val di Castro.

    N’a jamais fondé l’ordre des camaldules.

     

    • Le modèle monastique.

     

    -Bernard de Clairvaux (1090-1153).

    Bernard de Clairvaux dans une lettrine ornant un manuscrit de Légende dorée vers 1267-1276.

     

    Naît à Fontaine-les-Dijon.

    Formé chez les chanoines réguliers de Saint-Vorles.

    1113 : Entre à Cîteaux.

    1115 : Devient abbé de Clairvaux.

    A partir de 1130 : son activité s’intensifie.

    Il rédige de nombreux traités.

    Ex : Traité de l’amour de Dieu, Sur la grâce et le libre arbitre.

    Il encourage les monastères bénédictins à se réformer.

    Il intervient contre Pierre Abélard qu’il fait condamner comme hérétique au concile de Sens de 1140.

    Il polémique contre Pierre le Vénérable qui a accueilli Abélard à Cluny.

    Il prêche contre les cathares.

    Il prêche la croisade.

    Il meurt en 1153.

    Il est reconnu saint dès 1174.

     

    -Hildegarde de Bingen (1098-1179).

    Moniale bénédictine puis abbesse.

    Entretient une correspondance avec les prélats et les grands de l'Empire germanique.

    Rédige :

      -des poèmes,

      -un traité médical,

      -des œuvres musicales,

      -des méditations théologiques...

    Elle médite sur la condition des femmes.

    Elle répond à des lettres qui l'interrogent sur la sexualité ou la fertilité féminine.

    Elle présente ses réflexions théologiques sous des formes imagées de "visions".

    Elle propose :

      -une anthropologie où elle accorde une importance nouvelle aux traits de caractère, 

      -et une cosmologie où l'Esprit Saint joue un rôle essentiel.

    Elle puise ses réflexions dans :

      -les écrits scientifiques de l'école de Chartres,

      -les écrits théologiques de Bernard de Clairvaux... 

      -mais aussi la littérature courtoise...

     Image illustrative de l’article Hildegarde de Bingen

     Enluminure médiévale, sd.

     

     

    IV. Le modèle laïc.

     

    • Le modèle de l'homme dévoué.

     

    Ex : Eloi (vers588-660).

    Né dans une famille d'origine gallo-romaine du Limousin.

    Peut être d'origine aristocratique.

    Il acquiert une grande réputation comme orfèvre et comme monétaire.

    Il est loué pour son habileté et son honnêteté.

    Il devient conseiller des rois Clotaire II puis Dagobert II.

    Il est reconnu pour ses talents diplomatiques.

    632 : Il fonde sur ses biens le monastère de Solignac.

    Il lui obtient la protection royale.

    639 : Il est élu évêque du diocèse de Noyon-Tournai.

    Durant un an, il reçoit une formation de clerc et les ordres.

    Il remplit consciencieusement sa fonction :

      -visites pastorales,

      -renforcement de la pastorale...

    Il est plutôt hostile à l'installation des moines irlandais en Gaule.

    Il demeure un homme puissant et écouté jusqu'à sa mort.

     

    • Le modèle du laïc marié.

     

    Ex : Hommebon de Crémone.

    Marco Gerolamo Vida. XVIe s.

     

    Il est marié.

    Il hérite de son père.

    Il travaille afin de pouvoir aider les nécessiteux.

    Il assiste tous les jours à la messe.

    13 novembre 1197 : Il meurt devant le crucifix de l'église Saint-Gilles de Crémone. 

     

    • Le modèle pénitent.

     

    -Ex : François d'Assise.

    François n'est pas un clerc.

    Le songe d'Innocent III (version du Louvre) - Giotto - Utpictura18

    Giotto. Le songe d'Innocent III.  v1295-1300; Musée du Louvre.

     

    APEL SFX » Saint François-Xavier et Saint François d'Assise

    Giotto. François d'Assise prêchant aux oiseaux.

     

    Giotto, Saint François d'Assise | Sur la peinture

    Giotto di Bondone, Saint François d’Assise recevant les stigmates, vers 1295 – 1300, tempera et or sur bois, 313 x 163 cm. Musée du Louvre, Paris

     

    françois d'assise

    Giotto.

     

    -Claire Offreduccio.

    =d'Assise (1193-1253).

    Image illustrative de l’article Claire d'Assise

    Détail de la fresque de la vie de sainte Claire. Basilique Sainte-Claire d'Assise.

     

    Fille de nobles.

    1210 : Elle assiste au prêche de Carême de François d'Assise.

    Elle décide de vivre pauvrement.

    1212 : Elle quitte sa famille et rejoint François à la Portioncule.

    Elle reçoit une robe de bure mais ne peut rester dans une communauté d'hommes.

    Elle s'installe au couvent San Paolo (entre Assise et Pérouse).

    Elle doit résister à sa famille qui veut la marier de force.

    Elle rejoint le monastère des bénédictines de Saint-Ange de Panzo.

    François la charge de la communauté qui se développe à proximité de la chapelle San Damiano.

    ="les Pauvres Dames".

    François leur rédige une règle de vie.

    1214 : Claire se voit imposer le titre d'abbesse. 

    La communauté s'agrandit en accueillant des femmes de la noblesse.

    1219 : Le cardinal Hugolin, protecteur de l'ordre, impose la règle bénédictine modifiée.

    =les Constitutions du cardinal Hugolin.

    Claire ne veut pas de propriété en commun.

    1228 : Le pape Grégoire IX ler concède le "Privilège de pauvreté".

    Claire rédige :

      -une règle,

      -des lettres (Agnès de Prague...).

    Elle encourage la création de communautés.

    1228 : Les Clarisses comptent 24 communautés dans l'Occident chrétien.

    1253 : Le pape Innocent IV approuve la règle de Claire.

    11 août 1253 : +.

    Claire est canonisée en 1255.

     

    • Le modèle mystique.

     

    Ce modèle concerne surtout les femmes.

    Ex : Catherine de Sienne.

    Membre des sœurs de la Pénitence de Saint Dominique.

    Ambassadrice de Florence auprès du pape.

    Lègue des Ecrits spirituels.

    29 avril 1380 : Elle meurt épuisée par les pénitences.

     

    -Ce modèle est le plus complexe.

    Beaucoup de mystiques hommes et femmes ont été accusés d'hérésies.

     

     

    IV. Des hommes et des femmes commémorées.

     

    • Les légendiers.

     

    Les médiévaux consignent par écrit la vie des saints.

    Ils rédigent des hagiographies.

    Ex : La légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe s) qui est l'ouvrage le plus lu après la Bible.

    La rédaction est codifiée.

    Exemple de Vita : http://jmgleblog.eklablog.com/extraits-vita-de-bernard-de-clairvaux-dans-la-legende-doree-a207469032

     

    • Les reliques.

     

    Le corps mort est reconnu comme sacré.

    Le corps est morcelé.

    Les morceaux sont enfermés dans des reliquaires dispersés dans la Chrétienté.

     

    • Le culte des saints et des saintes.

     

    -Les saints et les saintes reçoivent un culte.

    Les fidèles se rendent en pèlerinage.

    Ils espèrent guérisons et pardon.

     

    -Les saints ne sont pas que l'expression de la recherche d'un modèle ou d'une forme de spiritualité. 

    Ils participent à l'identité d'un lieu, d'un groupe social.  

    La présence d'un saint, d'un sanctuaire est une source de prestige et de revenus.

     

     

    Jean-Marc Goglin (Ph D) 

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