•   

     

     

    L’installation massive des barbares dans l’occident latin entre 376 et 476 perturbe à la fois :

      -l’unité politique,

      -et la vie chrétienne.

    L’empire romain d’occident se trouve morcelé en royaumes.

    Les barbares sont des païens non convertis au christianisme.

    Un processus de conversion se met en place.

    Chaque royaume développe :

      -sa propre organisation ecclésiastique,

      -ses propres rites et pratiques religieuses

     

     

    I. L’Église d'Irlande.

     

    • Une Église non romaine récente.

     

    -L’Irlande n’a jamais connue la romanité.

    Elle n'a pas connu la conversion de l'empire au christianisme.

     

    -Ve s : L’Irlande est christianisée par des missionnaires venus de Gaule ou de Bretagne (=Angleterre).

    La Chronique de Prosper d’Aquitaine atteste de la présence de chrétiens en Irlande pour l’année 431.

     

    -Le premier missionnaire est l'évêque Palladius envoyé par le pape pour lutter contre l'hérésie pélagienne.

    Palladius se rend d'abord en Bretagne puis en Irlande mais son activité a laissé peu de traces.

     

    -Le plus connu de ces missionnaires est Patrick (+vers 460), un évêque breton.

    Sa vie est mal connue par des hagiographies aux récits différents.

    Patrick est  d'origine romaine.

    Il est un converti.

    Il se serait rendu en Irlande entre 432 et 456.

    Contrairement à Palladius, il apprend et parle le gaélique.

    Il prend le titre d'évêque et fonde des monastères.

    Il aurait fait baptiser de force de force des convertis contre la volonté de leur famille.

    Il est considéré comme le fondateur de l'Eglise d'Irlande. 

    Saint-Patrick : date 2021, programme à Dublin, New York, en France, les  infos pratiques

      

    • Une Eglise rurale et clanique.

     

    -L’Irlande ne connaît pas la civilisation urbaine.

     

    -La société est composée de tribus et de clans.

    La conversion du chef entraine la conversion du clan.

      

    • Une Église fondée sur le monachisme.

     

    -Le clan crée un monastère sur son territoire.

    La puissance d’un monastère se mesure à sa capacité à dépasser le cadre du clan.

    Il n’existe pas de diocèse.

    L'évêque réside au monastère mais n’y exerce aucune autorité.

    Sa compétence est uniquement sacramentelle et liturgique.

     

    -Le monastère est :

      -un lieu de vie,

      -le centre de la vie religieuse.

      -un lieu d'activités intellectuelles.

    L'enclos ou la clôture joue un rôle essentiel.  

    Ex : Le monastère de Nandrum.

    Fig. 3 – Monastère de Nendrum

     

    Jean-Michel Picard, « Septum monasterii : clôtures et monastères en Irlande médiévale (vie-ixe siècles) », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], Hors-série n° 12 | 2020, mis en ligne le 20 novembre 2020, consulté le 29 janvier 2021. URL : http://journals.openedition.org/cem/17452 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cem.17452

     

    -Les monastères sont mixtes.

    Certains moines et moniales se marient entre eux.

     

    -Les moines suivent une ascèse rigoureuse :

                            -sommeil réduit,

                            -jeûnes fréquents,

                            -punitions corporelles…

    Colomban enseignait que la mortification est synonyme d’obéissance au Christ.

     

    -De nombreux monastères sont des centres intellectuels :

       -Iona, fondé en 563 par Colomba,

    Iona l'île de St Columba en ecosse - calligraphie et enluminure

       -Bangor.

    Les moines y enseignent les lettres latines, copient et enluminent les livres.

    Certains moines irlandais acquièrent une culture étonnante.

    Ces monastères déclinent à partir du XIIe s.

     

    • Une Eglise qui adhère à une piété originale.

     

    -Les Irlandais pratiquent une forme particulière de pénitence : la pénitence tarifée.

    Son ancienneté est attestée par le Pénitentiel de Finnian, qui date de la 2e moitié du VIe s.

    Le pénitent peut demander la réconciliation après chaque faute.

    La démarche est privée et est renouvelée aussi souvent que nécessaire.

    La réconciliation s’obtient après des actes compensatoires :

                            -jours de jeûne,

                            -prières,

                            -plus rarement don d’argent.

    La compensation est plus ou moins importante selon la faute.

    Ce recours suppose que le demandeur précise honnêtement la faute commise.

    La pénitence tarifée est appréciée à la fois par les clercs et les laïcs.

     

    -Les Irlandais sont en quête de sainteté vécue comme : 

      -un parcours spirituel,

      -un voyage terrestre, une peregrinatio, exil volontaire à l’image du peuple hébreu (Hébreux, 11, 13).

    Cette quête mélange :

      -mortification,

      -exaltation,

      -mise en danger de sa vie.

     

     

    II. L’Église franque.

     

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    Division de la Gaule en 511 | Royaume de france, Royaumes francs, Histoire  médiévale

     

    phases de l'extension du royaume des Francs

      

    • Une Église fondée sur le roi. 

     

    -L'Eglise est fondée sur le roi.

    L’acte fondateur de l’Église franque est le baptême de Clovis.

    Le baptême a lieu à une date inconnue, à Noël d’une année comprise entre 498 et 508.

    Clovis (465-511), roi des Francs Saliens depuis 481 ou 482, reçoit le baptême de Rémi, archevêque de Reims.

     

    Fichier:Saint Remy baptise Clovis.jpg — Wikipédia

    Plaque de reliure en ivoire du IXe s. 18,3 x 12,2 cm. Musée de Picardie/Amiens. 

     

    La scène est rapportée par Grégoire de Tours dans son Histoire des Francs :

      -Clovis revêt une robe blanche symbole de pureté,

      -il descend dans la piscine baptismale,

      -fait profession de foi,

      -reçoit l’onction.

      -3 000 guerriers sont ensuite baptisés.

     

    -Grégoire de Tours évoque :

      -l’influence de la reine Clotilde, catholique,

      -l’influence d’un miracle qui permet aux Francs de vaincre les Alamans lors d’une bataille décisive en 496[4].  

    Il est certain que l’influence de Clotilde est décisive.

    Ex : Clovis ne peut s’opposer au baptême de son 1er né : Ingomer.

    Il est probable que Clovis ait également été influencé par les évêques Rémi de Reims et Avitus de Vienne.

    Ces évêques soutiennent Clovis présenté comme le libérateur des catholiques face aux Wisigoths ariens.

     

    -Le baptême fait de Clovis le chef de l’Église franque.

    Clovis est le premier roi barbare à se convertir au catholicisme et non à l’arianisme.

    Cette décision lui rallie la population gallo-romaine catholique, majoritaire dans son royaume.

    Clovis meurt le 27 novembre 511 à Paris.

     

    -Le roi et la reine mènent des vies ascétiques, influencées par les pratiques monastiques.

    Ex : la reine Radegonde mène à la cour une vie ascétique.

    556 : elle obtient la permission de quitter le monde.

    Elle fonde le monastère Sainte-Croix de Poitiers.

      

     -Les conciles de Paris de 511 puis d’Orléans de 538 reconnaissent le roi comme le chef de l’Église franque.

     

    • Une Église conciliaire.

     

    -Le pouvoir royal se prolonge dans la fonction épiscopale.

    Dès les années 490, le roi choisit les évêques.

    Le roi choisi les évêques parmi son entourage.

     

    -L’évêque est :

      -le plus souvent un aristocrate riche et puissant,

      -parfois, c’est un ascète.

    Les moines acceptent difficilement d'être évêques car ils préfèrent la vie derrière la clôture.

    L'évêque dispose de l’immunité : ses possessions sont placées hors du pouvoir comtal.

    Cette immunité fait de l’évêque le chef de l’aristocratie locale.

     

    -511 : Clovis est le 1er souverain à avoir réuni un concile à Paris.

    Le concile est une assemblée délibérante constituée d’évêques.

    Ce concile prend des mesures contre l’arianisme et accorde la primauté au souverain.

     

    -Le concile est l’occasion pour les évêques de manifester :

      -leur désapprobation vis-à-vis du roi,

      -leur volonté de retrouver leur autonomie vis-à-vis du pouvoir royal.

     Ex : Le concile d’Orléans de 541 impose au roi Childebert Ier que tout converti soit contrôlé par le seul clergé.

     

    -Le concile de l’Église franque n’a pas autant d’importance qu’en Espagne.

    A partir des années 660 : les conciles ne sont plus réunis.

    L’affaiblissement du pouvoir des souverains entraîne certainement celui des autorités ecclésiastiques.

     

    • Une Église qui bénéficie du renouveau du monachisme.

     

    -La vie monastique perd de son importance à la fin de l'Antiquité.

    VIe s : La Gaule apparait comme une terre à rechristianiser.

    Des celtes venus de Cornouailles et du pays de Galles créent des ermitages en Armorique.

     

    -Un joue un rôle majeur : Colomban.

    Sa vie est rapportée par le moine Jonas de Bobbio entre 639 et 643.

    Moine de l’abbaye de Bangor, en Irlande.

    Vers 590 : Quitte l’Irlande avec 12 compagnons pour la Gaule.

     

    https://www.amisaintcolomban.org/wordpress/wp-content/uploads/CHEM3.jpg

     

    -Colomban obtient l’appui des princes :

      -Gontran de Bourgogne (+592),

      -Theudebert d’Austrasie,

      -Clotaire II, roi de Neustrie.

    Il fixe sa communauté à :

      -Annegray dans les Vosges en 591,

      - Luxeuil, en Franche-Comté en 593,

      -Fontaines, en Franche-Comté en 595.

     

    -Il rédige 2 textes :

                            -La regula monachorum, recueil de pratiques ascétiques et spirituelles,

                            -la regula coenobialis, pénitentiel monastique.

    Sa spiritualité séduit surtout les femmes.

    Sous son influence : les monastères féminins se multiplient.

     

    -Colomban voit s’opposer à lui :

      -les autorités politiques : Thierry II, roi de Bourgogne puis d’Austrasie, qui n’accepte pas les remontrances de Colomban concernant sa vie privée,

      -les évêques qui n’acceptent pas le refus de soumission de Colomban.

    610 : Colomban est expulsé de Luxeuil.

    Il est conduit jusqu’à Nantes afin qu’il embarque pour l’Irlande.

    Une tempête l’empêche de rejoindre l’Irlande.

    Colomban rejoint la cour de Clotaire II roi de Neustrie.

    Il continue de fonder des monastères.

    614 : Fonde le monastère de Bobbio.

    23 novembre 615 : Il y meurt.

     

    -VIIe s : Les nobles fondent des monastères.

    Le fondateur attend du monastère qu’il prie pour lui et sa famille.

    Il intervient généralement dans la nomination de l’abbé.

    Ils obtiennent des exemptions fiscales pour le monastère.

    La maîtrise du monastère confère un prestige social important.

     

    -Ex : Dadon (Ouen), aristocrate devenu évêque de Rouen en 641, favorise les créations de :

      -Fontenelle, fondée par Wandrille, en 649,

      -Jumièges, fondée par Philibert, un proche de Dagobert Ier, en 654.

     Coronavirus. L'abbaye de Jumièges déchire le voile du confinement -  Culture/Loisirs - Paris Normandie

      

    -VIIIe s: Les fondations de monastères sont surtout urbaines.

    Ex : L'abbaye de Saint-Ouen à Rouen vers 750.

     

    • Une Église constituée d'un peuple mal christianisé.

     

    -Sous Clovis, la christianisation franque n’est pas achevée.

    Clovis n’a jamais interdit les pratiques païennes.

    Le 1er roi à s’intéresser à la conversion de ses sujets est Childebert Ier (511-558).

    La christianisation du peuple se fait par étapes.

    Le christianisme est un phénomène essentiellement urbain.

    Recevoir le baptême permet de s’inscrire sur le matricule des pauvres (=liste des personnes assistées par l’Église).

     

    -De nouvelles pratiques funéraires se mettent progressivement en place :

      -Les défunts sont enterrés dans les églises,

      -Les défunts sont commémorés par des messes et des prières.

     

    -Le mariage devient réglementé :

      -l’engagement des fiancés doit être public,

      -le consentement doit être libre.

    La bénédiction religieuse n’est pas obligatoire.

    L’Église interdit :

                            -l’inceste,

                            -le remariage des veuves,

                            -le mariage entre parents jusqu’au 6e degré (=cousins issus de germains).

    Progressivement : l’Église invite le couple à se voir comme une communauté morale, inspirée du mariage du Christ et de son Église.

     

    -Cependant les pratiques chrétiennes restent encore marquées par les superstitions et la magie.

     

    III. L’Église wisigothique. 

     

    Encyclopédie Larousse en ligne - Wisigoths ou Visigoths Goths de l'Ouest ou  Goths sages primitivement appelés Tervinges

     

    • Une Église longtemps divisée.

     

    -Les Wisigoths dominent l’Espagne depuis le Ve s.

    Il existe alors 2 Églises parallèles en Espagne :

                            -une arienne, celle des Wisigoths installés au début du siècle,

                            -une catholique, celle des populations romanisées.

     

    -Le processus de conversion est particulièrement lent et complexe.

    Progressivement : les ariens reconnaissent :

      -la validité du baptême catholique,

      -l’égalité des personnes du Père et du Fils au sein de la Trinité.

    Les croyants sont désormais incapables de dissocier croyances et rites ariens et chrétiens.

     

    -Le roi unifie les deux Eglises.

    586 : conversion du roi Reccarède au catholicisme.

    5 mai 589 : Ouverture du 3e concile de Tolède.

    Ce concile marque la fin de l’unification religieuse de l’Espagne.

    Le catholicisme devient religion d’État.

    633 : le 4e concile de Tolède définit le roi comme le gardien de la loi divine.

    A partir de 672 : le roi se fait sacrer.

    Le premier est Wamba.

    Son sacre a lieu à la demande des évêques qui cherchent à renforcer son pouvoir.

     

    -L’évêque Isidore de Séville (560-636) théorise le pouvoir du souverain ibérique.

    St. Isidore, from the 12th-century Aberdeen Bestiary (see the Aberdeen Bestiary website)

    Bestiaire d'Aberdeen. XIIe s.

     

    Il n’existe pas de séparation entre le politique et le religieux.

    Le roi est le nouveau David.

    Le roi s’appuie sur l’Église pour gouverner.

    Le roi peut intervenir dans les discussions théologiques.

    Le roi nomme les évêques mais ne peut pas les déposer.

     

    • Une Église conciliaire.

     

    L’Église wisigothique est la seule Église occidentale à fonctionner de manière pleinement conciliaire.

    Ces conciles sont réunis à Tolède, capitale religieuse du royaume.

    Ils ont pour modèles le concile de Nicée de 325.

    Le roi y joue un rôle central :

                            -il convoque les évêques dont la présence est obligatoire,

                            -il prépare l’ordre du jour,

                            -il promulgue les canons du concile,

                            -il en garantit l’exécution.

    Le but des conciles est de renforcer l’efficacité du code de lois wisigothique.

     

    • Une Eglise en lutte.

     

    -589 : Le 3e concile de Tolède affirme que l’idolâtrie règne.

    L’Église ibérique cherche à :

                            -éliminer les restes d’arianisme,

                            -à mieux contrôler les populations.

    L’Église se met en lutte contre la magie et la divination encore très présentes.

     

    -Le roi prend pour un devoir de convertir les juifs au christianisme.

    589 : le 3e concile de Tolède met en place une législation anti-judaïque.

    Des incapacités sont prononcées :

                            -interdiction de commander à un chrétien,

                            -surveillance de leurs déplacements…

    La persécution débute sous Sisebut (612-621).

    638 : Le 6e concile de Tolède définit les juifs comme des « infidèles ».

    681 : Le 12e concile de Tolède leur ordonne de se convertir sous peine de châtiment (=confiscation des biens et exil).

    Les convertis ne sont pas réellement considérés comme chrétiens.

    Ils sont surveillés afin d’interdire la pratique clandestine du culte.

    Cette politique de conversion forcée est un échec.

    693 : Le 16e concile de Tolède définit les juifs comme des « ennemis » de l’Ibérie.

    694 : Le 17e concile de Tolède énonce la réduction en esclavage de la population juive.

     

    -L'Église fait face à la conquête arabo-musulmane de la péninsule.

     

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    711 : Les armées arabes mettent fin au royaume wisigothique et les juifs sont libérés.

    La politique anti-judaïque wisigothique a plutôt contribué à affaiblir la monarchie : les juifs se sont alliés aux envahisseurs.

    La grande majorité des ibériques conquis se convertit à l’islam.

    Les mozarabes ne survivent que grâce à la tolérance des émirs.

     

      

    Conclusion :

     

    Au VIIe s : La chrétienté est constituée d’Églises autonomes.

    Différentes conceptions et des pratiques religieuses coexistent sans que l’unité de la chrétienté ne soit en danger.

    L’unité de la chrétienté est assurée par la foi.

     

      

     

    Jean-Marc Goglin (Ph D)

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