• Consigne : Après avoir présenté la 'guerre des mémoires' liée à la Guerre d'Algérie, vous expliquerez pourquoi les mémoires ne s'apaisent pas malgré le travail des historiens.

     

    "La guerre des mémoires est un thème qui est monté en puissance dans la société française depuis une dizaine d’années. Il existe un sentiment d’exacerbation mémorielle très puissant car la mémoire est devenue un thème non seulement à la mode, mais une revendication à caractère politique qui émane d’un certain nombre de groupes. Une fixation communautaire mémorielle s’est installée de manière politique au sein de la société, avec une hiérarchisation des mémoires, des histoires, des victimes.

    L’histoire en tant que discipline est devenue une référence essentielle, au cœur de la vie intellectuelle. Ce retour obsessionnel au passé renvoie de manière évidente à une panne d’avenir : certains polémistes et essayistes à succès cherchent dans un passé fantasmé des recettes rassurantes. Les questions essentielles d’avenir passent au second plan. Le « déclinisme » et les idéologies de la décadence s’imposent dans la logique du « c’était mieux avant ». On se place plutôt dans la posture de victime que dans celle d’acteur. Être des victimes de l’État, des autres groupes de mémoire, des autres groupes sociaux. Dans ce contexte particulier, arrive la mémoire de la guerre d’Algérie.

    La guerre d’Algérie, livrée entre 1954 et 1962, a longtemps attendu d’être reconnue et nommée sur la scène de la mémoire française. La séparation de l’Algérie et de la France, au terme d’un conflit cruel de sept ans, avait produit trop de douleurs, si bien qu’après l’indépendance algérienne de 1962, l’histoire même de l’Algérie semblait s’être perdue avec une infinie possibilité de sens : nostalgies coloniales langoureuses, Atlantide engloutie, hontes inavouables, fascination morbide pour la violence, images envahissantes de sa terre et de sa jeunesse perdues… Il fallait pourtant remonter en amont, avant la guerre, pour précisément tenter de la comprendre…"

     

    Stora, Benjamin. « Mémoires et histoire de la guerre d’Algérie », Yves Charles Zarka éd., La France en récits. Presses Universitaires de France, 2020, p. 466-475.

     

    Etude : La 'guerre des mémoires'/Guerre d'Algérie

     Affiche de l’association 'Au nom de la mémoire'. 1991. Collection du Musée de l’Immigration.

     

     

     Correction : http://jmgleblog.eklablog.com/correction-a215527729

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  •  

    La mémoire est à la fois le moyen par lequel on se souvient de quelque chose et ce dont on se souvient. La mémoire permet l'apparition du passé dans le présent.

    Elle peut être individuelle ou collective.

    Les événements dont il faut se souvenir : http://jmgleblog.eklablog.com/la-guerre-d-algerie-1954-1962-a126520012

     

    • Les supports de la mémoire.

     

    Il existe une mémoire française et une mémoire algérienne, une mémoire locale et une mémoire métropolitaine, une mémoire civile et une mémoire des combattants (légionnaires, parachutistes, appelés du contingent, harkis, supplétifs marocains jusqu’en 1956…). C’est près de 2 M de Français qui connaissent l’expérience de la guerre d’Algérie. On peut donc parler « des mémoires ». La mémoire repose sur des souvenirs ou une sélection subjective des événements. Elle enregistre les faits en lien avec des émotions marquantes.  Après les  conflits, les mémoires peuvent se révéler « traumatiques ». Il existe différents supports ou vecteurs de la mémoire. Les premiers vecteurs sont les témoins eux-mêmes : l’oralité (témoignages directs et indirects), l’écrit (témoignages, analyses…). Il existe des lieux de mémoire : musées, mémoriaux (mémorial du martyr à Alger). La mémoire se transmet afin que les faits ne soient pas oubliés. Il existe une mise en scène de la mémoire qui se manifeste à l’occasion des cérémonies. Mais la mémoire n’est pas l’histoire !

    Si la distinction entre mémoire et histoire n'est pas faite au XIXe s, elle s'impose au XXe s.

    L'histoire s'appuie sur des connaissances. Elle se présente comme une reconstitution objective de de ce que les hommes ont vécu. L’histoire se construit à partir de la confrontation de sources différentes et d’interrogations précises. L’historien tient compte de la réalité politique et sociale de chacun des deux États concernés. Il contextualise les faits. Par son travail, l'historien dépassionne ou désacralise les mémoires. Néanmoins, malgré cette objectivité, l'histoire reste une interprétation.  

     

    • Une mémoire française d'abord refoulée.

     

    La France a longtemps refoulé les événements d’Algérie. Le mot refoulé est un terme de psychanalyse qui signifie que l’on enfouit un événement dans sa mémoire afin de l’oublier. Il s’agit d’une pathologie. Cela signifie que l’événement vécu a été traumatisant et que le retour de son souvenir entraîne une souffrance.

    L'Etat a commencé par refuser la réalité de la guerre. Il a caché la torture, les événements tragiques liés à la manifestation du 17 oct 1961. Plusieurs raisons expliquent ce refoulement. L'Etat refuse l’indépendance de l’Algérie. Il craint de perdre le soutien de la population si les informations sont divulguées. Les 9 morts du métro Charonne, le 8 février 1962 (http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/02/08/commemoration-a-paris-du-massacre-d-etat-du-8-fevrier-1962_1640273_3224.html), les victimes de la fusillade de la rue d’Isly à Alger, le 26 mars 1962, ont révélé l’ampleur des déchirements de l’opinion française. Celle-ci est écartelée entre les attentats de l’OAS et la mobilisation de la gauche contre la guerre: depuis la création de l’OAS en février 1961 et l’importation sur le territoire métropolitain de la violence de guerre, la France est au bord de la guerre civile. La brutalité de l’État en ces circonstances a pour but de contenir les factions opposées et de conjurer ainsi le risque d’un embrasement généralisé. L’État craint les représailles en Algérie contre les colons français. La torture est couverte par l’exercice des « pouvoirs spéciaux » votés en mars 1956. Tous les faits commis en relation avec les « événements d’Algérie », tant du côté de l’armée que de celui de l’OAS, furent amnistiés entre 1962 et 1968, condamnant à l’impuissance toute tentative judiciaire d’apurer les comptes du passé. En conséquence, il existe une mémoire de la brutalité policière dans la communauté algérienne vivant en France. Il existe aussi une mémoire des appelés qui découvrent les violences du conflit (http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/03/15/la-memoire-refoulee-des-appeles-d-algerie_1669673_3212.html).

    Le travail de mémoire est lent. Pourtant, dès 1962, Pierre Vidal-Naquet, dans La raison d’État, publie des documents officiels. Dans les années 1970, les historiens qui travaillent sur la question algérienne en ont été des acteurs. En 1983, les programmes de Terminales intègrent les « événements » d’Algérie. Mais il faut attendre la disparition de la génération témoin pour que les historiens commencent à accéder aux archives, et notamment celles de l’Outre mer et de l’armée, et à pouvoir publier leurs analyses dans un contexte davantage apaisé. La recherche bénéficie des travaux des universitaires américains qui apportent d’autres questionnements. Le 18 octobre 1999, l’Assemblée nationale reconnait qu’il s’agissait bien d’une guerre d’indépendance : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000578132.

    Un des enjeux de la mémoire porte sur la reconnaissance de la torture. (Dossier en ligne : http://www.lemonde.fr/afrique/visuel/2012/03/17/la-torture-et-la-guerre-d-algerie_1671229_3212.html) L’existence de la torture a été évoquée dès 1960 par Henri Alleg (La question, éditions de Minuit) et puis par Pierre Vidal-Naquet (La Torture dans la République), en 1972. Mais la torture n’a posé de réel problème de conscience que dans les années 2000. Or la France se présente comme la patrie des droits de l’homme (héritages des Lumières, de 1789). Ces comportements sont condamnables y compris en temps de guerre. Pourtant, tous les dépôts de plainte pour « crimes contre l’humanité » ont jusqu’à présent été déboutés. Le nouveau code pénal de 1994 ne reconnait pas la rétroactivité de la loi. Le 25 janvier 2002, le Général Aussaresses n’est que symboliquement condamné pour « apologie de crimes de guerre » pour avoir mentionné dans ses mémoires avoir pratiqué la torture.

     

    • Une mémoire algérienne magnifiée.

     

    L’État algérien définit la colonisation française comme une occupation. Dès septembre 1963, la constitution impose une version officielle de l’histoire. La guerre est présentée comme une guerre de libération nationale ou une « révolution ». Les termes de « martyr » et de « combattant » sont valorisés. L’État se sert de la guerre comme d’un événement fondateur : celui de l’État moderne algérien et celui de la nation algérienne. Dans les années 1970, les villages et villes d’Algérie se dotent de monuments aux chouhada (=martyres). En 1982, le président Chadli fait ériger le monument dit « le flambeau des martyrs » sur les hauteurs d’Alger. Le 5 juillet 1999, quatre des principaux aéroports du pays sont baptisés du nom de nationalistes historiques. Au cœur de l’unanimisme qui tient lieu de mémoire historique dans l’Algérie d’aujourd’hui, il y a l’idée que le FLN est le peuple tout entier dressé avec ses armes contre le colonisateur français et vainqueur de la « guerre révolutionnaire ». Le régime du FLN est d’inspiration socialiste. Cela conduit à célébrer les actions collectives, plutôt que les héroïsmes individuels. L’enseignement scolaire est utilisé pour enseigner ces mémoires officielles. Mais il existe un décalage entre l’héroïsation des événements et la réalité endurée alors. La population, les familles ne veulent pas se souvenir des tensions et divisions internes. Les femmes sont absentes de la mémoire nationale. Les Berbères, et notamment les Kabyles, accusent l’État d’utiliser le mythe de la guerre nationale de libération pour justifier une politique d’arabisation.

     

    • Deux mémoires partiales et excessives.

     

    Ces deux mémoires sont excessives. Elles se sont forgées sur des amplifications, des oublis, voire des mensonges. Le bilan est lourd : 25 000 soldats français tués, 250 000 autochtones tués, 15 000 harkis victimes de représailles. Mais pas 1 M de morts comme annoncé officiellement dans la charte d’Alger de 1964. La loi française oublie les aspects négatifs de la colonisation : code de l’indigénat… La mémoire algérienne amplifie le bilan négatif de la colonisation. Chacun cherche à rassembler sa population autour d’une mémoire commune. Pour la France, il s’agit d’oublier la honte de son passé colonial. Pour l’Algérie, il s’agit de rendre l’ancien colonisateur en partie responsable des difficultés actuelles du pays. Ces deux mémoires, opposées, continuent d’empoisonner les relations entre la France et l’Algérie (ex : match France-Algérie de 2001 interrompu par un envahissement de terrain).

    La France et l’Algérie refusent de commémorer le début de la guerre d’Algérie le même jour. En 2003, le gouvernement français institue une commémoration officielle des Français morts en Algérie le 5 décembre, jour anniversaire de l’inauguration du Mémorial du quai Branly. De nombreuses associations d’anciens combattants, dont la principale la FNACA, refusent cette date qui ne renvoie à aucun événement particulier de la guerre d’Algérie. La date du 19 mars pourrait être fédératrice. Proposée à l’Assemblée Nationale le 28 février 2006, elle est rejetée au motif que les affrontements ont continué après cette date (fusillade de la rue d’Isly le 26 mars 1962, enlèvements et assassinats d’Européens à Oran le 5 juillet et massacres de harkis à partir de l’été 1962). L’État algérien est catégorique : la fête nationale se confond avec la proclamation de l’indépendance, le 5 juillet. Benjamin Stora, historien spécialiste, parle de « cloisonnement des mémoires ».

     

     Etude : https://aghg.files.wordpress.com/2015/09/limpossible-anniversaire-documents.pdf

     

    • Une mémoire française qui évolue.

     

    Pourtant, les mémoires évoluent. En 1999, le parlement français reconnait par la loi la Guerre d'Algérie. Le 5 décembre 2002, Jacques Chirac inaugure le mémorial de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie au pied de la tour Eiffel.

    Le 23 février 2005, la France adopte une loi mémorielle : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/loi-memoire/lois-memorielles.shtml. La loi reconnait que les Algériens ont joué un rôle important dans l’histoire récente de la France (article 4). Les tirailleurs se sont battus du côté de la France à l’occasion des deux guerres mondiales (cf le film Indigènes sorti en 2006). Elle reconnaît leur fidélité à la métropole. La loi insiste sur le rôle positif de la colonisation. Cet aspect de la loi est le plus critiqué. Il pose un triple problème. D’abord celui de la liberté de penser. Une loi est sensée encadrer des actes afin qu’ils ne nuisent pas à autrui. Elle n’a pas pour but d’imposer une façon de penser. Ensuite celui de la recherche en histoire. La recherche et les analyses évoluent au gré de la découverte de nouvelles sources, de nouveaux témoignages et de nouvelles problématiques. Certains reprochent à la loi de mettre en concurrence les victimes et de favoriser le communautarisme. La loi limite ou oriente la recherche sur la guerre d’Algérie. . Elle limite la production de connaissances nouvelles. Enfin, il pose le problème de l’objectivité que l’on porte aux événements. Aucun acte, aucun fait ne peut être que positif. Pourquoi cette loi si controversée ? L’État cherche à faire le pendant de la mémoire algérienne. Il veut aussi rappeler que l’histoire du fait colonial ne se limite pas à rappeler les méfaits des guerres d’indépendance. Une « guerre des mémoires » (Benjamin Stora : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/03/18/algerie-france-memoires-sous-tension_1669417_3212.html), jusqu’alors larvée, s’installe ouvertement dans le paysage culturel et politique.

    Signe de la multiplicité des mémoires, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, inaugure, le 8 février 2007, une place à la mémoire des « martyrs de Charonne ». En novembre 2007, un « mur des victimes du FLN » est inauguré à Perpignan et relance les polémiques : http://www.liberation.fr/france-archive/2007/11/26/un-monument-partisan-relance-la-guerre-des-memoires-a-perpignan_107169. Certains manifestent une nostalgie de "l'Algérie française". 

     

    • Des mémoires qui se rapprochent ?

     

    Pourtant les mémoires parfois se rapprochent. En Algérie, la sortie de la  guerre civile commencée au début des années 1990 s’accompagne d’une interrogation sur les origines de la violence et le développement de la « première » guerre d’indépendance. De nombreux témoignages d’Algériens sont publiés depuis. En France, en 2012, le président François Hollande reconnait la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 (http://www.afrik.com/francois-hollande-reconnait-la-repression-sanglante-du-17-octobre-1961).

    La sortie de la dénégation, du silence, s’amorce et, désormais, le travail de réconciliation peut  commencer. Aujourd’hui, les historiens utilisent l’expression de « guerre d’indépendance algérienne ». Depuis quelques années, des écrivains, comme Laurent Mauvigné ou Jérôme Ferrari, qui ne sont pas nés en Algérie et qui n’ont pas fait cette guerre, publient des romans sur cette période. Ils s’approprient un passé qu’ils n’ont pas vécu afin de sortir du ressentiment perpétuel. Les progrès de la recherche sur l’histoire de la guerre d’Algérie doivent beaucoup aux investigations des journalistes. Le 20 janvier 2021, l'historien Benjamin Stora remet un rapport au président Emmanuel Macron dont l'objectif est de décloisonner et de réconcilier les mémoires.

     

    Étude : http://jmgleblog.eklablog.com/etude-la-fin-de-l-amnesie-selon-benjamin-stora-a126109304

     

     

    Jean-Marc Goglin

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  • […] Différents groupes mobilisent leur propre vécu des drames de la guerre, dans le cadre de revendications mémorielles qui, difficilement conciliables, semblent devoir s’exclure mutuellement.

    2 C’est surtout depuis une dizaine d’années que ce besoin de mémoire s’est affirmé. Plusieurs séries d’événements doivent être pris en compte. En juin 1999, l’Assemblée nationale adoptait la décision de nommer « guerre d’Algérie » ce qui n’était auparavant qu’une « opération de maintien de la paix ». Ce changement politique s’accompagna de l’apparition de nouveaux témoignages, par d’anciens insurgés algériens, par d’anciens combattants, qui tantôt exprimèrent de la repentance, tantôt revendiquèrent des crimes perpétrés pendant la guerre. Cette tension mémorielle résulta également d’un renouveau historiographique lié à l’ouverture d’archives permettant de nouvelles recherches, comme la thèse de Raphaëlle Branche sur la torture par l’armée française.

    Plusieurs événements, donc, venant soutenir un mouvement de fond plus général : une tendance de plus en plus marquée au retour de mémoires douloureuses, comme en Allemagne à propos des crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale, en Israël concernant la relecture par une nouvelle génération d’historiens des événements fondateurs de la société israélienne, ou encore aux États-Unis au sujet de la guerre du Vietnam. […]

    3 En France, cette guerre des mémoires est l’expression de groupes pour lesquels les drames de la guerre d’Algérie constituent un facteur d’identité d’autant plus significatif qu’ils constituent des minorités (harkis, pieds-noirs, immigrés algériens…). Elle prend la forme de revendications concurrentes, qui se sont amplifiées surtout depuis la fin des années 1990. Dans une inflation des propositions commémoratives, chaque groupe se mobilise autour de l’événement qui cristallise ses griefs : les pieds-noirs (Français d’origine européenne, installés en Afrique du Nord jusqu’à l’époque de l’indépendance) se rassemblent autour de la date du 26 mars 1962, qui vit l’armée française réprimer dans le sang une manifestation de l’Organisation armée secrète (OAS) à Alger. D’autres proposent de commémorer le 19 mars 1962, date des accords d’Évian, qui mit un terme à la guerre.

    B. Stora souligna l’impossibilité pour un pays de construire sa mémoire autour d’une défaite militaire. Il est ainsi impossible d’accorder les acteurs sur une date, car les positions sont largement irréconciliables. Alors que certains peinent aujourd’hui encore à accepter la perte de l’Algérie, aucun personnage ou événement historique ne peut faire l’unanimité et rassembler. En février 2005, le vote par l’Assemblée nationale d’une loi rappelant le « rôle positif de la colonisation », sous l’influence de nostalgiques de l’Algérie française, ne faisait que crisper plus encore les positions.

    4 En Algérie, la question se pose très différemment : les Algériens n’ont que faire des états d’âme des Français concernant la guerre. Le conflit est ici une « guerre d’indépendance » et représente une victoire, un événement fondateur. Après la guerre, le Front de libération nationale (FLN), auréolé de sa victoire, se constituait en parti unique et s’emparait de manière exclusive du pouvoir. L’État issu de l’indépendance s’appropria alors la construction mémorielle et l’instrumentalisa en vue d’asseoir sa propre légitimité. Il passa ainsi sous silence les conflits qui opposèrent les nationalistes algériens pendant ou après la guerre, comme les meurtres entre nationalistes ou le massacre de plus de trois cents villageois à Melouza par le FLN, en mai 1957. Récemment, en Algérie aussi, s’observe un retour mémoriel qui se traduit par la réhabilitation de certains noms – les « pères maudits » du nationalisme algérien – comme Messali Hadj ou Abane Ramdane, tous deux tués par le FLN dans le cadre de conflits algéro-algériens. Les jeunes générations algériennes mettent aujourd’hui en cause la récupération politique de la mémoire de l’indépendance par l’État algérien. Elles revendiquent une évolution démocratique, qui passe par une relecture de la mémoire de la guerre monopolisée par le FLN. Le processus mémoriel doit alors, pour certains, se libérer de l’appropriation politique qui en a été faite, pour servir de tremplin à un changement démocratique.

    […]

    Référence électronique

    Juliette Guilbaud et Rodolphe Keller, « « La guerre d’Algérie dans les mémoires française et algérienne »  », Revue de l'IFHA [En ligne], 3 | 2011, mis en ligne le 01 octobre 2012, consulté le 30 mars 2021. URL : http://journals.openedition.org/ifha/128 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.128

     

    Consigne : Après avoir expliqué pourquoi il existe des mémoires du conflit (et non une seule), vous rappelerez pourquoi les mémoires françaises et algériennes sont si différentes puis vous présenterez le rôle des Etats dans le maintien de ces mémoires antagonistes. 

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  • Introduction : http://jmgleblog.eklablog.com/les-memoires-de-la-guerre-d-algerie-a126003176

     

    -Histoire et mémoire de la torture pratiquée durant la guerre d'Algérie.

     

    -La mémoire officielle algérienne du conflit.

     

    -Histoire et mémoire des harkis.

     

    -Les lieux de mémoire français et algériens du conflit.

     

    -La construction d'une histoire française du conflit algérien.

     

    -L'impact des mémoires du conflit sur les relations diplomatiques franco-algériennes.

     

    -Histoire et mémoire des anciens combattants.

     

    -Le conflit algérien dans le cinéma. 

     

    -Le match de football France-Algérie de 2001 : tensions et symbolique.

     

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  • Consigne : Après avoir expliqué pourquoi « La guerre d’Algérie disparait », vous expliquerez ensuite pourquoi « se produit […] un durcissement des mémoires » puis comment « s’opère le passage de la mémoire à l’histoire ».

     

    « Après 1962, dans le pays, la volonté d’oublier domine. La France, qui a vécu la guerre de 1939, puis celle commencée en Indochine en 1946 poursuivie par celle d’Algérie, veut tirer un trait sur le conflit, consommer, entrer dans la modernité […] La guerre d’Algérie disparait […]. Dans la foulée de la révolte étudiante [de 1968], le sujet revient sur les écrans. Les films de dénonciation de la « guerre coloniale » se succèdent, et remportent un certain succès auprès d’une jeunesse très engagée à gauche, marquée par le tiers-mondisme. […] Dans les années 1980 se produit […] un durcissement des mémoires. Les enfants de l’immigration algérienne en France […] qui manifestent pour l’égalité des droits et contre le racisme en 1983-1984, […] mettent en accusation le passé colonial de la France. Ils soulèvent la question de l’événement du 17 octobre 1961 […]. Parallèlement, les travaux universitaires progressent. […] La revue L’Histoire en 1983 publie un article de Guy Pervillé qui tente d’établir, pour la première fois, en dehors des discours idéologiques, le bilan des victimes. Il avance le chiffre de 300 000 à 400 000 victimes Algériennes. Le premier colloque universitaire se déroule à Paris en 1988, sous la direction de Jean-Pierre Rioux […]. Lentement, très lentement, s’opère le passage de la mémoire à l’histoire. »

     

    Benjamin Stora, « La fin de l’amnésie », L’Histoire, novembre 2004.

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