• Les saints et les saintes

    Originellement : la sainteté est un attribut divin.

    Aucune société ne vit sans héros, réel ou mythique.

    Ces héros servent de modèle.

    L'Antiquité célèbre les martyres.

    Le Moyen Âge hérite des modèles antiques mais propose aussi d'autres modèles.

    Chaque baptisé (e) est appelé à devenir saint (e).

     

     

    I. Des hommes  vertueux et des femmes vertueuses.

      

    • Des hommes et des femmes qui pratiquent les vertus.

     

    -Le chrétien médiéval est rarement un lettré.

    Il pratique la morale enseignée par les clercs et applique les commandements bibliques.

     

    -Les théologiens seuls réfléchissent à une théorie des vertus.

    Ils puisent dans :

      -la Bible : évangiles et épîtres de Paul de Tarse.

      -les écrits des stoïciens : Cicéron et Sénèque.

      -l'Ethique d'Aristote à partir du XIIIe s.

    Thomas d'Aquin propose une éthique fondée sur l'articulation des vertus théologales et philosophiques.

      

    • Des hommes et des femmes qui prennent le Christ en exemple.

     

    XIIe s : Le chrétien découvre l'exemplarisme christique.

     

    • Des hommes et des femmes reconnus comme tels.

     

    -Le saint est reconnu comme un intercesseur de son vivant.

    Sa reconnaissance est populaire.

    Ex : Guinefort le saint lévrier de Villars-les-Dombes.

    Sa légende est rapportée par le dominicain Etienne de Bourbon vers 1250.

    Les croyants prêtent à Guinefort le pouvoir posthume de soigner les enfants.

     

    -L'Eglise institutionnelle se méfie de la sanctification populaire.

     

    -993 : La papauté reconnait son premier saint : l'évêque Ulrich d'Augsbourg. 

    XIIe s : La papauté impose son contrôle des cultes.

    1185 : La papauté ouvre son premier procès en canonisation : celui de Galgano Guidotti (+1181).

    =chevalier libertin, converti après une apparition de saint Michel et devenu ermite dans la campagne siennoise.

     

    • Des hommes et des femmes qui correspondent aux attentes de leur époque.

     

    -Les premiers modèles sont liés à l'exercice du pouvoir.

     

    -Les modèles les plus fréquents concernent les clercs :

      -les évêques,

      -les moines,

      -les religieux mendiants.

    Les modèles de sainteté sont d'abord séculiers puis réguliers.

     

    -Les modèles de sainteté laïque apparaissent tardivement : XIIe s.    

     

     

    II. Les modèles séculiers.  

     

    • Le modèle royal. 

     

    -Le modèle royal est une invention du MA.

    Les souverains reconnus comme saints sont Mérovingiens.

    Le modèle est marqué par la sacralité de la fonction qui synthétise :

      -des attributs chamaniques,

      -et la sacralité biblique conférée par l'onction.

    Mais les souverains qui sont reconnus saints ont tous quitté le pouvoir de manière volontaire ou violente :

    Le souverain est celui qui convertit et conforte l’Église.

     

    Ex : Le roi Dagobert (roi de 629 à 639) s’entoure de conseillers ecclésiastiques dont :

     -Éloi, futur évêque de Noyon,

     -et Ouen, futur évêque de Rouen.

    Il se montre généreux envers l’Église.

    Il fait notamment de nombreuses dotations foncières et de nombreuses exemptions fiscales à la basilique de Saint-Denis.

     

    Ex : La reine Bathilde,

    Naît vers 630.

    Épouse Clovis II de Neustrie en 648.

    Régente de 657 à 665.

    Elle :

      -fait de nombreuses donations aux monastères : Jouarre, Jumièges…,

      -interdit la vente des chrétiens comme esclaves…

     

    -Xe-XIe s : Le modèle évolue avec l'évolution du pouvoir et de l'organisation de la société.

    Le souverain devient :

      -le protecteur de l'Eglise,

      -le garant de la paix,

      -le protecteur des pauvres.

    Ex : Etienne (1000-1038) premier roi chrétien de Hongrie.

     

    -Ex : Louis IX (1226-1270).

     Il fait la guerre mais privilégie la diplomatie.

    Il impose ses lois et sa justice dans son royaume :

      -il interdit les guerres privées et les duels judiciaires,

      -autorise l'appel à la justice royal.

    Il persécute les Juifs pour les convertir de force.

    Il soutient l'inquisition qui lutte contre les hérésies.

    Il participe à 2 croisades : 1248 et 1270.

    Il fait construire la Sainte-Chapelle à Paris.

    Il est canonisé en 1297.  

     

    • Le modèle du saint évêque.

     

    -Le Moyen Âge met en valeur le modèle du saint évêque.

    Le roi mérovingien gouverne à l'ai des évêques.

    L'évêque occupe une fonction essentielle associant pouvoir et service.

     

    -Ex : Grégoire le Grand (590-604).

    Grégoire Ier — Wikipédia

    Registrum Gregorii. Xe s.

     

    Issu d’une famille aristocrate romaine.

    Attiré par la vie ascétique, il vend ses biens vers 575.

    Il fonde plusieurs monastères en Sicile et se retire comme moine à Rome.

    En 579 : le pape l’ordonne diacre et l’envoie comme nonce à Byzance jusqu’en 585.

    Il retourne ensuite à Rome où il est élu abbé de son monastère.

    En 590 : il est élu pape malgré lui à la demande du peuple romain.

    Son action est vaste :

                            -il veille à la bonne moralité des évêques dont il a la charge,

                            -il lutte contre la famine qui sévit Rome à cause de la présence de la peste,

                            -il organise des missions vers les peuples à évangéliser…

    Son action politique est marquée par l’indépendance vis-à-vis des princes :

      -Il entretient peu de relations avec les princes d’occident,

      -Il cherche à maintenir des contacts avec Byzance malgré l’isolement de Rome dans une Italie envahie par les barbares.

    Les rapports entre la papauté et Byzance sont tendus.

     

     

    III. Le modèle ascétique. 

     

    • Le modèle érémitique.

     

    -Le saint renonce au monde.

    Il reprend le modèle incarné par les Pères du désert.

     

    -Ex : Romuald de Ravenne (v950-1027).

    Image illustrative de l’article Romuald de Ravenne

    Fra Angelico. XVe s. Couvent San Marco de Florence.

     

    Membre de la haute aristocratie de Ravenne.

    Il assiste à 20 ans au meurtre d'un de ses parents.

    Il devint moine bénédictin au monastère de Saint-Apollinaire-in-Classe.

    Vers 975 : Déçu par la vie monastique, il choisit de mener une vie érémitique dans la lagune vénitienne.

    Fonde plusieurs ermitages.

    Il meurt dans la solitude à Val di Castro.

    N’a jamais fondé l’ordre des camaldules.

     

    • Le modèle monastique.

     

    -Bernard de Clairvaux (1090-1153).

    Bernard de Clairvaux dans une lettrine ornant un manuscrit de Légende dorée vers 1267-1276.

     

    Naît à Fontaine-les-Dijon.

    Formé chez les chanoines réguliers de Saint-Vorles.

    1113 : Entre à Cîteaux.

    1115 : Devient abbé de Clairvaux.

    A partir de 1130 : son activité s’intensifie.

    Il rédige de nombreux traités.

    Ex : Traité de l’amour de Dieu, Sur la grâce et le libre arbitre.

    Il encourage les monastères bénédictins à se réformer.

    Il intervient contre Pierre Abélard qu’il fait condamner comme hérétique au concile de Sens de 1140.

    Il polémique contre Pierre le Vénérable qui a accueilli Abélard à Cluny.

    Il prêche contre les cathares.

    Il prêche la croisade.

    Il meurt en 1153.

    Il est reconnu saint dès 1174.

     

    -Hildegarde de Bingen (1098-1179).

    Moniale bénédictine puis abbesse.

    Entretient une correspondance avec les prélats et les grands de l'Empire germanique.

    Rédige :

      -des poèmes,

      -un traité médical,

      -des œuvres musicales,

      -des méditations théologiques...

    Elle médite sur la condition des femmes.

    Elle répond à des lettres qui l'interrogent sur la sexualité ou la fertilité féminine.

    Elle présente ses réflexions théologiques sous des formes imagées de "visions".

    Elle propose :

      -une anthropologie où elle accorde une importance nouvelle aux traits de caractère, 

      -et une cosmologie où l'Esprit Saint joue un rôle essentiel.

    Elle puise ses réflexions dans :

      -les écrits scientifiques de l'école de Chartres,

      -les écrits théologiques de Bernard de Clairvaux... 

      -mais aussi la littérature courtoise...

     Image illustrative de l’article Hildegarde de Bingen

     Enluminure médiévale, sd.

     

     

    IV. Le modèle laïc.

     

    • Le modèle de l'homme dévoué.

     

    Ex : Eloi (vers588-660).

    Né dans une famille d'origine gallo-romaine du Limousin.

    Peut être d'origine aristocratique.

    Il acquiert une grande réputation comme orfèvre et comme monétaire.

    Il est loué pour son habileté et son honnêteté.

    Il devient conseiller des rois Clotaire II puis Dagobert II.

    Il est reconnu pour ses talents diplomatiques.

    632 : Il fonde sur ses biens le monastère de Solignac.

    Il lui obtient la protection royale.

    639 : Il est élu évêque du diocèse de Noyon-Tournai.

    Durant un an, il reçoit une formation de clerc et les ordres.

    Il remplit consciencieusement sa fonction :

      -visites pastorales,

      -renforcement de la pastorale...

    Il est plutôt hostile à l'installation des moines irlandais en Gaule.

    Il demeure un homme puissant et écouté jusqu'à sa mort.

     

    • Le modèle du laïc marié.

     

    Ex : Hommebon de Crémone.

    Marco Gerolamo Vida. XVIe s.

     

    Il est marié.

    Il hérite de son père.

    Il travaille afin de pouvoir aider les nécessiteux.

    Il assiste tous les jours à la messe.

    13 novembre 1197 : Il meurt devant le crucifix de l'église Saint-Gilles de Crémone. 

     

    • Le modèle pénitent.

     

    -Ex : François d'Assise.

    François n'est pas un clerc.

    Le songe d'Innocent III (version du Louvre) - Giotto - Utpictura18

    Giotto. Le songe d'Innocent III.  v1295-1300; Musée du Louvre.

     

    APEL SFX » Saint François-Xavier et Saint François d'Assise

    Giotto. François d'Assise prêchant aux oiseaux.

     

    Giotto, Saint François d'Assise | Sur la peinture

    Giotto di Bondone, Saint François d’Assise recevant les stigmates, vers 1295 – 1300, tempera et or sur bois, 313 x 163 cm. Musée du Louvre, Paris

     

    françois d'assise

    Giotto.

     

    -Claire Offreduccio.

    =d'Assise (1193-1253).

    Image illustrative de l’article Claire d'Assise

    Détail de la fresque de la vie de sainte Claire. Basilique Sainte-Claire d'Assise.

     

    Fille de nobles.

    1210 : Elle assiste au prêche de Carême de François d'Assise.

    Elle décide de vivre pauvrement.

    1212 : Elle quitte sa famille et rejoint François à la Portioncule.

    Elle reçoit une robe de bure mais ne peut rester dans une communauté d'hommes.

    Elle s'installe au couvent San Paolo (entre Assise et Pérouse).

    Elle doit résister à sa famille qui veut la marier de force.

    Elle rejoint le monastère des bénédictines de Saint-Ange de Panzo.

    François la charge de la communauté qui se développe à proximité de la chapelle San Damiano.

    ="les Pauvres Dames".

    François leur rédige une règle de vie.

    1214 : Claire se voit imposer le titre d'abbesse. 

    La communauté s'agrandit en accueillant des femmes de la noblesse.

    1219 : Le cardinal Hugolin, protecteur de l'ordre, impose la règle bénédictine modifiée.

    =les Constitutions du cardinal Hugolin.

    Claire ne veut pas de propriété en commun.

    1228 : Le pape Grégoire IX ler concède le "Privilège de pauvreté".

    Claire rédige :

      -une règle,

      -des lettres (Agnès de Prague...).

    Elle encourage la création de communautés.

    1228 : Les Clarisses comptent 24 communautés dans l'Occident chrétien.

    1253 : Le pape Innocent IV approuve la règle de Claire.

    11 août 1253 : +.

    Claire est canonisée en 1255.

     

    • Le modèle mystique.

     

    Ce modèle concerne surtout les femmes.

    Ex : Catherine de Sienne.

    Membre des sœurs de la Pénitence de Saint Dominique.

    Ambassadrice de Florence auprès du pape.

    Lègue des Ecrits spirituels.

    29 avril 1380 : Elle meurt épuisée par les pénitences.

     

    -Ce modèle est le plus complexe.

    Beaucoup de mystiques hommes et femmes ont été accusés d'hérésies.

     

     

    IV. Des hommes et des femmes commémorées.

     

    • Les légendiers.

     

    Les médiévaux consignent par écrit la vie des saints.

    Ils rédigent des hagiographies.

    Ex : La légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe s) qui est l'ouvrage le plus lu après la Bible.

    La rédaction est codifiée.

    Exemple de Vita : http://jmgleblog.eklablog.com/extraits-vita-de-bernard-de-clairvaux-dans-la-legende-doree-a207469032

     

    • Les reliques.

     

    Le corps mort est reconnu comme sacré.

    Le corps est morcelé.

    Les morceaux sont enfermés dans des reliquaires dispersés dans la Chrétienté.

     

    • Le culte des saints et des saintes.

     

    -Les saints et les saintes reçoivent un culte.

    Les fidèles se rendent en pèlerinage.

    Ils espèrent guérisons et pardon.

     

    -Les saints ne sont pas que l'expression de la recherche d'un modèle ou d'une forme de spiritualité. 

    Ils participent à l'identité d'un lieu, d'un groupe social.  

    La présence d'un saint, d'un sanctuaire est une source de prestige et de revenus.

     

     

    Jean-Marc Goglin (Ph D) 

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