• Les Caraibes : interface américaine, interface mondiale

    Le bassin caraïbe est un espace maritime formant une unité géographique : un vaste arc d'îles allant du Venezuela à la Floride, faisant face à un arc continental bordant le golfe du Mexique et la mer des Caraïbes. La situation de ce bassin lui donne une importance stratégique capitale. C'est à la fois une interface Nord-Sud, avec des États et des territoires aux niveaux de développement très contrastés, et un espace traversé par des flux intenses. Son rôle se joue à plusieurs échelles : continentale et mondiale.

     

    Comment le bassin caraïbe s'affirme-t-il comme une interface américaine et mondiale ? Quels sont les enjeux et les acteurs de cet espace géographique ?

     

    I.                 Un espace complexe

     

    Un espace américain particulier.

     

    • Le bassin caraïbe se compose d'un ensemble continental, comportant au nord les États-Unis, avec les États de la Floride, de la Louisiane et du Texas, à l'ouest le Mexique et les États d'Amérique centrale, et au sud la Colombie et le Venezuela. L'arc insulaire voit se juxtaposer des États souverains et des territoires dépendants. Les plus vastes États souverains sont Cuba, la Jamaïque, Haïti et la République dominicaine (qui occupent la même île, divisée en deux États). On trouve aussi quelques petits États insulaires souverains comme les Bahamas, la Barbade, Sainte-Lucie, Trinidad et Tobago.

     

    • Les territoires non souverains dépendent d'anciennes puissances coloniales. Ils ont acquis un statut d'autonomie ou de collectivité territoriale. On trouve ainsi des territoires français (Guadeloupe, Martinique qui ont également le statut de Régions ultra périphériques de l’Union Européenne, Saint-Barthélemy), britanniques (îles Vierges, Antigua-et-Barbuda, îles Caïmans), hollandais (une moitié de l'île de Saint-Martin, dont l'autre moitié est française). Les États-Unis possèdent également des territoires autonomes dans cette région dont Porto Rico.

     

    Des diversités culturelles

     

    • 38 M d’habitants.

     

    • Ces États forment une mosaïque de peuples et de cultures. Les populations d'origine ont presque disparu des espaces insulaires depuis la conquête par les Européens au XVIe s. Le peuplement indien demeure au Mexique et au Guatemala. Le peuplement d'origine africaine est le fruit de la politique esclavagiste menée par les Européens jusqu'au XIXe s. Des Européens se sont également installés dans ces îles pendant et après l'époque coloniale.

     

    • Les métissages sont nombreux. Les Etats ont conservé la langue du colonisateur. Mais les langues créoles se sont développées t maintenues. Les populations ont conservé la religion du colonisateur. Mais les syncrétismes associant croyances locales, cultes africains, religion chrétienne, se sont développés et maintenus.

     

    • La culture est vivante : musique (reggae de Jamaique).

     

    Des diversités de développement

     

    • Les écarts de développement sont considérables : le premier PIB du monde avec les États-Unis et le 137e avec Haïti.

     

    • Les États-Unis et des territoires d’outre mer des Etats européens forment l’ensemble le plus développé.

     

    Les Etats insulaires qui ont misé sur la finance ou le tourisme haut de gamme, comme les Bahamas et les îles Caïmans ont un niveau de développement satisfaisant.

     

    • Le Mexique et le Venezuela sont des pays émergents connaissant de très forts contrastes de développement. • Cuba et Saint-Domingue sont des pays en voie de développement possédant un secteur touristique très actif. Certains pays en voie de développement connaissent d'importantes difficultés, comme les États d'Amérique centrale et surtout Haïti.

     

     

     

    II. Une interface américaine

     

    Des flux intenses

     

    • Les flux de marchandises sont polarisés par les grandes façades maritimes des États-Unis et du Mexique. Il s'agit d'échanges de pétrole, issu de la production offshore au large du Mexique et des États-Unis, ainsi que de produits agricoles tropicaux à destination des États-Unis.

     

    • Les flux migratoires les plus importants sont internes à la zone Caraïbe. La principale destination est les États-Unis. Il s'agit de migrants légaux, dont ceux relevant du « brain drain », et de migrants illégaux, comme les réfugiés cubains fuyant la dictature et très nombreux à Miami, ou les Haïtiens cherchant à échapper à la grande pauvreté de leur pays.

     

    • Les mobilités touristiques au sein de la zone sont très intenses. Elles concernent essentiellement des Nord-Américains profitant des attraits de la zone. Le premier espace touristique de la zone est donc la Floride, qui bénéficie de l'effet de la « Sun Belt ». Les touristes nord-américains s'orientent aussi vers la côte mexicaine et les États insulaires ayant misé sur le tourisme, comme les autres touristes internationaux.

     

    Un espace de domination des États-Unis

     

    • Les États-Unis possèdent un certain nombre d'espaces clés du bassin caraïbe. Ils affirment dans cet espace à la fois leur « hard power » et leur « soft power ». Ils contrôlent ainsi le canal de Panamá, qu'ils ont possédé en pleine souveraineté jusqu'en 1979 et qu'ils contrôlent toujours étroitement. Ils disposent de bases comme celle de Guantanamo à Cuba. Cuba est d'ailleurs toujours placée sous embargo américain depuis 1962.

     

    • Les FTN américaines sont très présentes dans la région, surtout dans le secteur de l'agrobusiness, où elles contrôlent les plantations de produits tropicaux. L'implication de la United Fruit Company (devenue la Chiquita Brands International) dans la vie politique de la région au début du XXe s siècle a valu à certains de ces États le surnom de « république bananière », devenu ensuite un nom commun synonyme d'État corrompu.

     

    • Les États-Unis sont la principale destination migratoire de la région et le principal émetteur des flux d'IDE. Leur façade maritime est la plus importante de la région, avec le port de la Nouvelle-Orléans en Louisiane.

     

    • Des contestations de cette domination américaine existent dans le bassin caraïbe : au Venezuela (Hugo Chavez) et à Cuba (Fidel puis Raoul Castro).

     

    Un espace d'affirmation de nouvelles complémentarités

     

    • L'ALENA est un acteur de la zone à travers la présence des États-Unis et du Mexique.

     

    • Une organisation régionale existe : l'Association des États de la Caraïbe, créée en 1994, compte 25 États, et 6 territoires non indépendants y siègent comme observateurs. Elle s’oppose à la politique des Etats-Unis.

     

    •La Communauté des Caraïbes, née en 1973, regroupe 15 Etats qui cherchent à développer des politiques de coopération.

     

    • Mais il existe de fortes tensions liées à la délimitation des Zones Economiques Exclusives.

     

     

     

    III. Une interface mondiale

     

    Au cœur des mobilités

     

    Le tourisme présent dans l'espace caraïbe montre que la région est également une interface mondiale. Les 23 M de touristes annuels sont originaires de l'Amérique du Nord, mais aussi de l'Union Européenne et de l'Asie. Les touristes recherchent une offre de tourisme balnéaire à coûts réduits, teintée d'exotisme, ce que leur offrent Cuba ou la République dominicaine. L'activité de croisière y est la plus importante au monde.

     

    Des flux à l'échelle mondiale

     

    • Les flux commerciaux qui traversent le bassin caraïbe sont à l'échelle mondiale. Sur les 14 000 navires empruntant le canal de Panamá chaque année, beaucoup sont à destination de l'Asie, de l'Union européenne ou de la mégalopole du Nord-Est des États-Unis. Le canal de Panama a permis de réduire e ½ le trajet entre New York et la Californie.

     

    • Les flux de matières premières agricoles sont orientés vers l'Europe, surtout celles venant de leurs territoires d'outre-mer, comme les fruits exotiques provenant de la Guadeloupe et de la Martinique pour la France. Les flux de marchandises sont stimulés par l'implantation d'industries issues de la délocalisation de la production (maquiladoras au Mexique, au Honduras), dans le cadre de la nouvelle division internationale du travail.

     

    • Les flux financiers sont à l'échelle mondiale. Certains États sont des paradis fiscaux qui attirent les placements étrangers : les Bahamas et les îles Caïmans.

     

    • Les flux illégaux sont nombreux dans l'espace caraïbe : trafics de drogues et d'armes, trafics humains, comme ceux liés la prostitution.

     

    Un espace encore secondaire à l'échelle mondiale

     

    • La zone caraïbe n'est pas encore un centre émergent à l'échelle planétaire. Ne s’y trouvent aucun pôle décisionnel ou productif majeur. Les territoires des États-Unis qui en font partie ne sont pas des espaces centraux, mais des périphéries dynamiques (Texas, Floride) ou en crise (Louisiane).

     

    • Miami (agglo de 5,5 M d’hab) est la principale métropole des Caraïbes : centre bancaire, hub aéroportuaire...

     

    • Les enjeux environnementaux révèlent les fragilités de la région : marée noire liée à l'explosion d'une plateforme pétrolière dans le golfe du Mexique en 2010, séismes, comme en Haïti en 2010, cyclones ou encore les ouragans, comme Katrina sur la Nouvelle-Orléans en 2005.

     

     

     

    La zone caraïbe se présente donc comme une interface américaine et une interface mondiale. Cette interface est révélatrice à la fois de complémentarités et de lignes de fracture.

     

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