• Textes : La guerre comme expérience intérieure selon Ernst Jünger

    « La bravoure est comparable à la danse. La personne du danseur est forme, est accessoire, seul compte ce qui sous le voile de ses mouvements se hausse et retombe. La bravoure n’est jamais que l’expression d’un savoir ancré au plus profond des consciences : l’être humain se sait réceptacle de valeurs éternelles et indestructibles. Comment sinon y’en aurait-il un seul pour marcher sciemment à la rencontre de la mort ? »

     

    Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure, p. 91-92.

     

    « Oui, le soldat, dans son rapport à la mort, dans le sacrifice de sa propre personne pour une idée, ignore à peu près tout des philosophes et de leurs valeurs. Mais en lui, en ses actes, la vie trouve une expression plus poignante et plus profonde qu’elle ne peut l’avoir dans aucun livre. Et toujours, de tout le non-sens d’un processus extérieur parfaitement insensé, ressort une vérité rayonnante : la mort pour une conviction est l’achèvement suprême. Elle est proclamation, acte, accomplissement, foi, amour, espérance et but ; elle est, en ce monde imparfait, quelque chose de parfait, la perfection sans ambages. La cause n’y fait rien, tout est dans la conviction. On peut bien mourir enfoncé dans une erreur indubitable : c’est ce que l’on pouvait faire de plus grand. L’aviateur de Barbusse peut bien voir, loin au-dessous de lui, deux armées harnachées prier un Dieu unique pour la victoire de leur juste cause, l’une ou l’autre, à coup sur, et probablement les deux, arborent une erreur sur leurs drapeaux ; et pourtant Dieu les accueillera toutes deux d’une même étreinte en son être. La folie et le monde ne font qu’un, et qui mourut pour une erreur n’en reste pas moins un héros. »

     

    Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure, p. 160.

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