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L’évolution de la place des femmes dans la société française depuis la fin du XIXe s
Même les acquis de la Révolution française n’ont pas permis l’égalité hommes-femmes ou l’émancipation des femmes. Au XIXe s, la société française s’organise encore sur un modèle patriarcal. Le code civil de 1804 instaure la subordination de la famille au père et la femme au mari. Le mari a l’autorité parentale. Il choisit le lieu de domicile. La femme s’occupe du foyer et des enfants. Ce modèle est un modèle inégalitaire mais qui veut promouvoir une complémentarité au sein du couple. Les femmes ne votent pas. De nombreux Républicains de gauche craignent leur conservatisme dû à l’attachement de beaucoup d’entre elles aux valeurs chrétiennes.
En opposition, les mouvements féministes s’organisent dès le XIXe s. Ils estiment que les sociétés ont été modelées par des formes de domination masculine. Ils dénoncent une construction culture culturelle. En effet, dès l’Antiquité, l’image d’une femme soit maléfique soit faible est véhiculée par les récits mythologiques et par les écrits « scientifiques ». Progressivement, est construit le mythe du « sexe faible » à travers les écrits d’Hippocrate, de Galien et d’Aristote. Ce mythe, même si son expression s’est transformée, structure encore durablement l’image que les hommes ont des femmes et l’image que les femmes ont d’elles-mêmes. Il a entrainé une dévaluation du féminin. En conséquence, les femmes ont été écartées de la vie politique, des métiers nécessitant des machines et de certains sports. Les filles sont le plus souvent éduquées pour devenir femme au foyer, à la fois épouse, mère et ménagère. Une femme sans mari est mise à l’écart.
Pour les Républicains, l’émancipation des femmes passe d’abord par l’accès à la scolarisation. En 1880, les filles accèdent à l’enseignement secondaire. En 1906, Marie Curie devient la première femme à enseigner à la Sorbonne. En 1911, elle obtient le prix Nobel de chimie. Les femmes sont nombreuses à travailler en dehors du domicile. Entre les deux guerres, elles représentent 35% de la population active. La moitié des femmes mariées exercent un emploi salarié. L’activité agricole représente encore la moitié du travail féminin.
Les suffragettes réclament l’obtention du droit de vote. Le Sénat refuse de discuter du droit de vote des femmes pourtant acquis de nombreux pays étrangers. Néanmoins, les femmes obtiennent progressivement des droits. En 1920, la loi autorise les femmes à s’inscrire à un syndicat sans autorisation du mari. La journaliste Louise Weiss crée le mouvement Femmes nouvelles. Elle se présente aux élections législatives de 1936 mais refuse un poste de ministre faute d’être élue. Le 4 juin 1936, Léon Blum nomme trois femmes sous-secrétaires d’État. De 1940 à 1944, le régime de Vichy s’emploie à promouvoir et renforcer le rôle traditionnel des femmes. Celles-ci obtiennent le droit de vote par l’ordonnance du 21 avril 1944. Charles de Gaulle souhaite les remercier de leur participation à la Résistance. 12 millions de femmes votent pour la première fois le 29 avril 1945 à l’occasion des élections municipales. La constitution de 1946 confirme ce droit de vote.
Après la Seconde Guerre mondiale, les pratiques revendicatives révèlent parfois l’influence des théories séparatistes du féminisme américain. Celui-ci insiste sur la différence radicale entre les sexes et sur la mise en place d’une contre-société féminine. Les féministes réclament une réflexion nouvelle sur les thèmes de l’avortement, l’égalité des chances, la prostitution… Le Mouvement de la Libération de la Femme et le mouvement Choisir de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi réclament l’émancipation des femmes. L’essai existentialiste de Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe, publié en 1949, défend la pleine liberté et responsabilité des femmes. En mai 1968, une partie de la jeunesse revendique la libération sexuelle et réclame la suppression de la société patriarcale.
Les femmes obtiennent des droits à la fois politiques, sociaux et individuels. Elles s’imposent peu à peu sur le marché de l’emploi. Si certains métiers semblent traditionnellement réservés aux femmes (enseignement, métiers du « soin »), d’autres se féminisent peu à peu. En 1965, la loi sur les régimes matrimoniaux autorise les femmes à exercer une activité professionnelle sans l’autorisation du mari et à ouvrir un compte bancaire. En 1971, la loi reconnait l’autorité parentale conjointe. En 1972, la loi impose l’égalité salariale. En 1975, la loi instaure le divorce par consentement mutuel et la loi Veil autorise l’I.V.G. En 1983, la loi Roudy instaure l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. En 1992, une loi interdit le harcèlement sexuel dans les relations de travail. Progressivement, les femmes parviennent à jouer un rôle politique. En 1974, une femme se présente pour la première fois à l’élection présidentielle : Arlette Laguiller (Lutte ouvrière) fait de sa candidature un élément du combat féministe. En 1991, Édith Cresson, nommée par François Mitterrand, devient la première femme Premier ministre. La loi sur la parité du 6 juin 2000 impose aux partis politiques de présenter autant d’hommes que de femmes sur les listes électorales. En 2007, Ségolène Royal, candidate du P.S., parvient au second tour de l’élection présidentielle.
Malgré tout, les inégalités demeurent. En 1998, le sociologue Pierre Bourdieu publie un livre, La domination masculine, rappelant les raisons pour lesquelles la domination masculine se perpétue à travers le temps. Chacun, homme ou femme, est enfermé dans un rôle qu’il a appris, qu’il reproduit et qu’il transmet. Même si de plus en plus de femmes intègrent les grandes écoles dont l’É.N.A. et l’E.N.S., les femmes occupent encore peu de postes à haute responsabilité. Elles restent sous-représentées dans la vie politique française. En 2012, l’Assemblée Nationale compte 26,9% de députées, le Sénat 22,2% de sénatrices. Si les filles sont considérées comme réussissant davantage leur scolarité que les garçons, les inégalités sur le marché de l’emploi existent toujours. Leurs salaires sont globalement inférieurs à ceux des hommes : l’écart reste supérieur à 20% et plus encore pour les cadres. Aujourd’hui, le débat porte sur la notion de « genre » avec des implications politiques et sociales. D’un côté, les « universalistes » considèrent que l’être humain est universel et qu’il ne faut pas différencier les femmes des hommes. Aussi sont-ils opposés à l’instauration de « quotas » féminins. De l’autre, les « différencialistes » considèrent qu’il existe une spécificité féminine qui doit être prise en compte. Aussi sont-ils favorables à la stricte parité.
Pourtant, les mentalités évoluent. Le mépris des femmes n’est plus socialement admis. Un processus de féminisation des sociétés semblent en cours… Mais certaines questions demeurent complexes : la garde des enfants, généralement attribuée aux femmes en cas de divorce, reproduit la division traditionnelle des rôles.
Jean-Marc Goglin
Tags : femme, égalité, citoyenneté, 1946, vie politique, Ve RP, IIIe RP, démocratie