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Texte : M. Gorbatchev annonce sa démission et la disparition de l'URSS (1991)
Le 25 décembre 1991, en 12 minutes, M. Gorbatchev, Président de l’URSS, annonce sa démission :
« (…) En m’adressant une dernière fois à vous en tant que président de l’URSS, j’estime nécessaire de tirer le bilan du chemin parcouru depuis 1985 [...].
Le sort a voulu qu’au moment où je me retrouvais à la tête de l’État, des dysfonctionnements étaient déjà manifestes dans notre pays. Rien ne nous manquait, pourtant, ni la terre, ni le pétrole, ni le gaz, sans compter tant d’autres richesses naturelles. Le Ciel, en outre, nous avait généreusement dotés en cerveaux et talents. Mais le fait est que nous vivions beaucoup plus mal que les pays développés et que notre retard sur eux ne cessait de s’accroître.
La cause en était, dès cette époque, évidente : la société étouffait, prise dans les tenailles du système bureaucratique de commandement. Vouée à servir l’idéologie et à porter le terrible fardeau de la course aux armements, elle avait atteint la limite de ses forces. [...] On ne pouvait continuer ainsi, des changements radicaux s’imposaient.
[...] La société a obtenu la liberté, elle a été délivrée de l’asservissement politique et spirituel dans lequel elle était tenue. C’est là sa principale conquête. Nous ne mesurons pas encore complètement la portée de cet acquis, et cela explique que nous n’ayons toujours pas appris à user, comme il convient, de la liberté. Il n’en demeure pas moins que fut réalisée une œuvre historique majeure :
Le système totalitaire, qui empêchait depuis longtemps le pays d’être florissant et prospère, a été anéanti. Une percée a été effectuée sur la voie des transformations démocratiques. Élections libres, liberté de la presse, libertés confessionnelles, organes représentatifs de pouvoir, multipartisme sont devenus réalités.
Un mouvement vers une économie multiforme a été amorcé, et l’égalité de toutes les formes de propriété s’instaure peu à peu. [...]
Nous vivons dans un monde nouveau :
Nous en avons fini avec la « guerre froide », la course aux armements est arrêtée, de même que la militarisation à outrance de notre pays, qui dénaturait l’économie, la conscience sociale et la morale. La menace d’une guerre mondiale est levée. [...]
Nous nous sommes ouverts au monde, nous avons renoncé à intervenir dans les affaires d’autrui, à recourir à l’emploi des armes hors de nos frontières, ce qui nous a valu, en retour, confiance, solidarité et respect.
Nous sommes devenus l’un des grands remparts d’une refonte de la civilisation contemporaine, basée sur des principes de paix et de démocratie.
Peuples et nations se sont vu octroyer une réelle liberté de choix pour leur autodétermination. La volonté de réformer démocratiquement notre État multinational nous a menés au seuil d’un nouveau contrat d’Union.
Il me paraît d’une importance capitale que soient préservés les acquis démocratiques de ces dernières années. Ils sont le fruit des souffrances endurées au cours de notre histoire, le fruit de notre tragique expérience. Nous ne devons en aucun cas, sous aucun prétexte, y renoncer – cela reviendrait à enterrer les espoirs d’un avenir meilleur. »
« Un grand État cesse d’exister », Paris, Points Seuil, 2010, p. 37-45.
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