• Le Sahara : ressources et conflits

    Avec une superficie de 8,5 millions de km2, le Sahara est le plus vaste désert du monde. En arabe, son nom signifie justement « Grand désert ». Pour certains géographes, il se prolonge au-delà de la mer Rouge et forme un même ensemble avec le désert arabique. Sa superficie est d’alors de 12 millions de km². Cet espace n’est pas un vide géopolitique. Il est riche en matières premières et traversé par différents flux. Ce désert est morcelé entre dix pays mais la notion de frontière ou de souveraineté politique pose question dans cet espace difficilement contrôlable vu son immensité.

    Quelles sont les ressources du Sahara ? Comment leur exploitation peut-elle conduire à des conflits et à des tensions ?

     

    Le Sahara : ressources et conflits | Annabac

     

     

    I.                   Un immense espace et ses ressources.

    1)      Qu’est-ce que l’espace saharien ?

    • Un « grand désert ».

    Le Sahara est un immense désert qui s’étend sur dix pays, dont aucun n’est totalement désertique. Il s’étend sur environ 4 800 kilomètres d’est en ouest et entre 1 300 et 1 900 kilomètres du nord au sud. Le désert de sable (erg) ne constitue que 20% de la superficie du Sahara. Le désert est aussi constitué de superficies rocheuses (regs), de montagnes… Le désert couvre le sud de la Libye et des trois États du Maghreb : Maroc, Algérie (l’État qui possède la plus vaste part du Sahara), Tunisie. Le nord de ces pays connaît un climat méditerranéen. À l’exception de la vallée du Nil, l’Égypte est presque entièrement occupée par le désert. Les États situés au sud du désert (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Soudan) connaissent une situation inverse. Le nord de leur pays est désertique. alors le sud est constitué de steppes qui forment un espace de transition entre le milieu désertique et le milieu tropical. Cet espace s’appelle le Sahel. Le désert du Sahara tend à progresser régulièrement vers le sud.

    Paysages : http://edelo.net/sahara/gen_geo.htm

    • Un espace peu peuplé.

    Cet espace est très peu peuplé, mais il compte tout de même 7 millions d’habitants (hors vallée du Nil). Ceux-ci sont regroupés essentiellement dans les oasis et sur les gisements de matières premières. Ces habitants sont souvent des migrants provenant d’autres régions des pays concernés. Pour les autres, ce sont des populations locales, sédentaires dans les oasis. Les habitants sont également des peuples nomades d’origine berbère, dont les plus nombreux sont les Touaregs, vivant de l’élevage (lait et viande) et du commerce. Ils seraient 1,5 million environ. Leurs déplacements créent des incidents de frontières. Il existe une volonté de les sédentariser. Le nomadisme pastoral décline. Les moyens de transport évoluent : avions et camions remplacent les dromadaires.

    2)      Des ressources naturelles.

    • Les ressources en eau.

    Les ressources du Sahara sont considérables. La première est l’eau. Celle-ci est vitale dans un environnement où les précipitations sont presque absentes. Il s’agit de l’eau de surface dans les oasis, comme celles de Tamanrasset en Algérie ou du Fayoum en Égypte. On trouve ensuite des nappes d’eau fossiles, non renouvelables et situées en grande profondeur. La seule eau courante de surface est le Nil, qui prend sa source dans la région des Grands Lacs et traverse ensuite le désert jusqu’à la Méditerranée. L’Afrique du Nord est une des régions du monde les plus menacées par le stress hydrique. Un homme qui travaille doit boire 10 litres d’eau par jour.

    • Les matières premières.

    Les hydrocarbures sont présents en grandes quantités, mais concentrés sous les territoires de l’Algérie (gisements de Hassi Rmel et de Hassi Messaoud) et de la Libye (dans la région du Fezzan). Des minerais rares existent également, comme l’uranium au Niger ou les phosphates au Maroc.

    3) Un désert parcouru par des flux

    • Les flux de matières premières.

    Les matières premières du Sahara doivent être transportées pour être transformées et utilisées ou exportées. La population présente sur les lieux d’extraction est en effet très réduite. Le nord du désert, en Algérie et en Libye, est donc traversé par des gazoducs pour transporter le gaz naturel et des oléoducs pour transporter le pétrole. Ils aboutissent à de grands ports méthaniers ou pétroliers, comme Arzew ou Skikda en Algérie et Syrte en Libye. L’Algérie exporte les trois quarts de sa production vers l’Europe. La Tunisie a également développé ces infrastructures pour les quelques gisements qu’elle possède dans le sud de son territoire. L’exploitation des ressources en eau nécessite aussi des infrastructures importantes. Le pompage des nappes fossiles coûte cher. Il a été mis en œuvre de façon massive en Libye, grâce aux revenus des hydrocarbures. Une « grande rivière artificielle » approvisionne les zones littorales. En Égypte, un grand projet de « nouvelle vallée » consisterait en une déviation du Nil vers l’oasis du Fayoum pour augmenter la surface agricole. Dans les oasis, le système hydraulique traditionnel a été remplacé par des techniques plus performantes qui ont permis l’intensification de l’agriculture saharienne, par exemple avec la culture des palmiers-dattiers.

    • Les flux humains.

    Le désert est parcouru par des flux humains. La plupart de ces flux traversent le désert sans l’avoir pour origine ni comme destination. Outre les migrations des Touaregs, il s’agit pour l’essentiel de migrants clandestins d’Afrique subsaharienne vers les pays du Maghreb. La plupart d’entre eux cherchent ensuite à gagner l’Europe en traversant la Méditerranée, ou grâce aux enclaves espagnoles au Maroc (Ceuta et Melilla). Les pays du Maghreb renforcent les contrôles à leurs frontières. Les flux touristiques existaient sous formes de randonnées-découverte à travers le désert mais les révolutions arabes de 2011 et la recrudescence des actes terroristes ont enrayé le développement de cette activité. 

    • Les flux de marchandises.

    Comme les flux humains, les flux de marchandises sont pour la plupart clandestins et composés de contrebandes en tout genre, depuis les cigarettes jusqu’aux armes, en passant par les trafics de stupéfiants. La région est difficilement contrôlable.

     

    II. Un espace de tensions.

    1)      Les tensions liées à la mise en valeur des ressources

    • L’enjeu économique des ressources.

    Le Sahara est entré dans la mondialisation dans les années 1950 avec la découverte de réserves de pétrole. De plus en plus, la mise en valeur des ressources conduit à des tensions. Les ressources attirent en effet la convoitise  de FTN américaines, européennes et asiatiques qui souhaitent les exploiter. Ce sont les grandes entreprises pétrolières ou gazières, mais aussi celles qui sont à la recherche de lieux où développer des énergies nouvelles. Le Sahara possède un formidable potentiel en matière d’énergie solaire et éolienne. L’exploitation de l’uranium au Niger est contrôlée par l’entreprise française Areva. Mais la concurrence se développe sous la pression des pays émergents : Chine, Inde, Brésil…  Les États locaux espèrent exploiter ces ressources à leur profit.

    • L’enjeu politique.

    La gestion des ressources en eau pose également un certain nombre de problèmes. La grande rivière artificielle réalisée en Libye capte de l’eau dans des nappes fossiles, dont certaines se trouvent sous le territoire égyptien. L’Égypte a par ailleurs réalisé dans les années 1960 le barrage d’Assouan sur le Nil, sans concertation avec le Soudan, situé en amont sur le fleuve.

    2)      Des tensions liées aux frontières

    • L’héritage colonial.

    Les frontières de l’espace saharien ont été tracées par les puissances coloniales, la France, mais aussi la Grande-Bretagne pour le Soudan et l’Égypte et l’Italie pour la Libye. Elles ont artificiellement divisé un espace qui fonctionnait comme un ensemble. L’espace de migration des peuples nomades a été coupé par des postes frontières, et ils ont été incités à se sédentariser. Le tracé de ces frontières reste contesté.

    • La persistance des conflits.

    Des conflits frontaliers demeurent, notamment entre le Maroc et l’Algérie : le cas du Sahara occidental est celui qui pose le plus de problèmes. Ce territoire avait été colonisé par l’Espagne à la fin du XIXe siècle. Le Maroc considère qu’il fait partie intégrante de son territoire, ce que conteste un mouvement local, le Front Polisario, qui souhaite obtenir l’indépendance de ce territoire. Depuis un cessez-le-feu signé en 1991, le statut juridique du territoire n’est toujours pas réglé. La présence de gisements de phosphate dans la région ajoute un enjeu économique à cette question politique. Le Maroc est critiqué par les associations de défence des droits des Sahraouis pour sa politique d’exploitation des ressources locales.

    Lire : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/02/10/le-conflit-au-sahara-occidental-empoisonne-la-relation-entre-le-maroc-et-l-ue_5077887_3212.html

    3)      Une région aujourd’hui déstabilisée.

    • Les revendications identitaires.

    Une partie du Sahara est également en train de connaître une importante déstabilisation politique est sur le point de devenir une « zone grise » de la planète. Les Touaregs militent, parfois avec des prises d’armes, pour disposer d’une autonomie au sein des États sahariens. Le Mali envisage la mise en place de services publics mobiles afin de mieux les encadrer.

    • Le développement des mouvements terroristes.

    Formé en 2002, Boko Haram est actif au Nigéria. Depuis 2003, le mouvement terroriste AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) est actif dans le sud de l’Algérie et surtout en Mauritanie, au Mali et au Niger. Ses actions consistent à enlever des Occidentaux pour bénéficier de l’argent des rançons. Une étape a été franchie au début de l’année 2012 lorsque les membres d’AQMI ont passé un accord avec les rebelles touaregs au Mali. Depuis, le nord du pays échappe au contrôle de l’État et devient une base pour les mouvements terroristes et les trafics illégaux dans la région. L’intervention française, depuis le 11 janvier 2013, montre que le Sahara est une région clé de la géopolitique du continent africain. En 2020, Etats africain et européens annoncent leur collaboration dans la lutte contre le terrorisme.

    Le Sahara apparaît ainsi comme un espace riche en ressources, mais divisé et difficile à contrôler. Il est révélateur des difficultés pour les États africains à maîtriser des territoires dont les enjeux politiques et économiques dépassent les frontières.

     

     

    Jean-Marc Goglin

    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , , ,